Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pouvez-vous présenter votre parcours avant la thèse ?
Au lycée, certains domaines de l’ingénierie m’intéressaient déjà, parmi lesquels l’aéronautique, le génie civil et l’énergie. J’ai d’abord suivi des classes préparatoires, pour finalement intégrer l’ESTP (École Spéciale des Travaux Publics, du bâtiment et de l’industrie). J’ai fait mes deux premiers stages chez Safran Aircraft Engines et chez Bouygues Construction. Dans l’idée d’acquérir des compétences plus ‘techniques’ – et sachant que l’énergie nucléaire était aussi un domaine d’intérêt pour moi – j’ai voulu intégrer en 3ème année le ‘Génie atomique’ de l’INSTN (Institut national des sciences et techniques nucléaires), formation phare pour les sciences nucléaires. J’ai pu faire le stage de cette formation au CEA, dont le sujet portait notamment sur les conséquences neutroniques de la déformation des assemblages (assemblages comportant le combustible dans le cœur des réacteurs à eau pressurisée). L’équipe d’encadrement du stage, pluridisciplinaire, a eu ensuite l’idée de monter un sujet de thèse en lien l’année suivante. Ayant pour projet de candidater à cette thèse, j’ai suivi, en attendant, une première année de master en gestion pour avoir quelques notions transverses. J’ai alors effectué un stage chez Schneider Electric UK. A la fin de l’année, j’ai pu retourner au CEA pour démarrer mon doctorat.
En quoi consistait votre sujet de thèse en quelques mots ?
Comme je l’expliquais, le sujet de thèse avait des liens forts avec mon stage précédent au CEA. Il s’agissait de ‘contribuer à l’analyse multiphysique de la déformation d’assemblage’ des réacteurs à eau pressurisée. Le sujet est dit ‘multiphysique’ car il fait intervenir trois composantes de la physique des réacteurs, la thermohydraulique, la mécanique et la neutronique qui interagissent les unes avec les autres. Un volet important du sujet s’intéressait à l’interaction entre le fluide caloporteur et les assemblages menant à leur déformation quasi-statique, un autre volet, dans la continuité de mon stage, s’articulait plutôt autour des conséquences de cette déformation sur le flux neutronique.
Globalement, le sujet avait pour but de développer des modèles ‘simples’ afin de prédire et de mesurer ce phénomène. Compte tenu du caractère pluridisciplinaire de la thèse, à l’image de mon stage, l’encadrement était constitué d’une équipe comportant des experts sur différentes thématiques. Nos points d’avancement ont donné lieu à des échanges et des débats très riches. J’ai beaucoup aimé ce fonctionnement, à la fois sur le plan scientifique et humain !
Avez-vous quelques conseils pour réussir sa thèse ?
Il n’y a pas vraiment de conseils magiques pour faire une bonne thèse, je pense qu’on peut tous l’aborder différemment. En revanche, il me parait nécessaire de s’imprégner de la problématique, et donc de choisir en amont un sujet pour lequel on éprouve un vrai intérêt, d’être passionné. En effet, le doctorat, c’est quelques années de face-à-face entre le doctorant et un verrou scientifique. On se lève, on se couche avec des questions, des problèmes à résoudre. C’est parfois des moments de doute, mais aussi de satisfaction extrême. Il ne faut pas hésiter à se remettre en question, à s’ouvrir, et continuer son apprentissage tout au long de la thèse. Cela passe notamment par lire des sources, des publications, enrichir sa bibliographie. Il arrive fréquemment de découvrir une référence – qui pourrait sembler essentielle – après 2 ans de thèse. Il arrive aussi que l’on découvre des outils, des méthodes, servant dans des contextes très différents et se révélant être très intéressants pour notre application. Se tenir informé de ce qu’il se fait au-delà de notre seul champ scientifique peut encourager la créativité, faciliter la résolution de problèmes.
Que faites-vous aujourd’hui ?
J’ai été embauché au CEA à la suite de ma thèse, où je continue à faire de la R&D, avec quelques tâches de suivi et d’encadrement. J’ai des activités assez diversifiées, comme par exemple le développement pour la dynamique rapide, le couplage multiphysique pour les réacteurs à eau pressurisée, pour les réacteurs à sels fondus. Cela permet d’avoir une vision sur différents aspects amont et aval dans le nucléaire, et sur plusieurs technologies, ce qui est assez enrichissant.
Avez-vous des conseils pour un étudiant hésitant à se lancer en thèse ?
La thèse est une aventure scientifique et humaine très riche. En tant que ‘jeune chercheur’ on a l’occasion de développer, pendant quelques années, des connaissances avancées dans un domaine qui nous intéresse avec une certaine autonomie. Les périodes de doute aident à apprendre la résilience, et les périodes de satisfaction sont intenses et indescriptibles. En tant que projet doctoral, la thèse permet aussi de renforcer de nombreuses compétences transverses nécessaires (conceptualisation, analyse, veille, innovation, communication, écriture dans plusieurs langues, projet, …) qui sont largement valorisables professionnellement, bien au-delà de la recherche. La thèse est évidemment un bonus pour les métiers en lien avec la recherche – voire obligatoire pour certains –, mais si au final on ne souhaiterait pas y poursuivre sa voie, ce ne sont pas du tout des années perdues (certaines entreprises, même loin de la R&D, recherchent des profils ‘PhD’). Il ne faut donc pas ‘hésiter’, et simplement se lancer !