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Un défi solitaire et (très) intense

Photo du rédacteur: Farouk MaaboudallahFarouk Maaboudallah

Farouk Maaboudallah
Farouk Maaboudallah

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview, en français et anglais


Pouvez-vous présenter votre parcours et pourquoi avez-vous décidé de faire une thèse ?

Depuis mes années de lycée, j’ai nourri une passion profonde pour les mathématiques et la physique, deux disciplines qui ont toujours éveillé ma curiosité et stimulé mon esprit d’analyse. Il était donc tout naturel pour moi de m’orienter vers la voie des classes préparatoires et d’école d’ingénieurs, une voie qui s’alignait parfaitement avec mes aspirations. Durant cette période, j’ai eu l’opportunité de travailler sur plusieurs projets de conception, qui m’ont permis de découvrir pour la première fois le domaine de la simulation et du calcul intensif. Cependant, à cette époque au Maroc, les écoles d’ingénieurs ne proposaient pas de spécialisation spécifique en simulation, ce qui m’a conduit à opter pour un parcours de double diplôme avec la France. J’ai ainsi poursuivi mes études dans deux écoles spécialisées dans ce domaine (ISAE-SUPMECA et l’École des Mines), afin d’approfondir mes connaissances et mes compétences.

Après trois années enrichissantes à Paris, j’ai intégré une entreprise en région parisienne en tant qu’ingénieur en simulation et calcul scientifique. Ce poste m’a offert l’occasion de travailler avec des solveurs commerciaux, mais ma nature curieuse et mon penchant pour l’exploration m’ont rapidement poussé à m’interroger sur les limites des outils existants. J’ai constaté que certaines de mes questions, soulevées au sein de l’équipe, restaient sans réponse, ce qui a suscité en moi le désir d’aller plus loin. Cette quête de compréhension et d’innovation m’a motivé à relever un nouveau défi : entreprendre une thèse dans le domaine de la simulation et du calcul scientifique. Ce parcours, à la croisée de la rigueur académique et des défis industriels, incarne ma volonté constante de repousser les frontières du savoir.


La quête du savoir : le défi d’une thèse de doctorat…

Fin 2019, j’ai pris une décision cruciale pour mon parcours professionnel et personnel : démissionner de mon poste d’ingénieur en simulation afin de m’engager pleinement dans des études de troisième cycle. Mon ambition à ce moment-là était claire : je souhaitais mener un projet doctoral qui reflète ma vision d’une recherche scientifique à la fois indépendante, innovante et enrichissante.

Cette vision s’articulait autour de plusieurs piliers fondamentaux :

  1. Autonomie : concevoir un plan de recherche structuré et une méthodologie rigoureuse, tout en étant maître de l’orientation scientifique de mes travaux (avec l’aide et l’appui du directeur de thèse).

  2. Flexibilité : explorer des pistes non conventionnelles, libéré des contraintes dictées par des intérêts extérieurs industriels.

  3. Accompagnement : bénéficier d’un encadrement bienveillant et collaboratif, où le directeur de thèse joue un rôle de mentor, dans un cadre moins formel mais toujours exigeant.

  4. Financement : disposer des ressources nécessaires pour approfondir mes compétences, accéder aux formations pertinentes, et mener à bien mes recherches.

Après avoir analysé les différents environnements académiques, j’ai constaté que ma conception du doctorat s’accordait davantage avec le modèle nord-américain. C’est ainsi que j’ai choisi de réaliser ma thèse au sein du laboratoire GAUS de l’Université de Sherbrooke, au Canada.

Durant cette période, j’ai eu l’opportunité de travailler sur un sujet de recherche à la fois fondamental et appliqué portant sur la prédiction des vibrations induites par les frottements, un domaine aux implications scientifiques et industrielles importantes. Mon projet bénéficiait d’un financement substantiel, notamment du gouvernement fédéral, de Calcul Canada, Altair Engineering Canada et de Stellantis(anciennement Fiat Chrysler Automobiles Canada), ce qui m’a permis de collaborer avec des experts reconnus et d’accéder à des infrastructures de pointe.


Comment avez-vous vécu votre doctorat ?

Je résume souvent mon parcours doctoral par cette expression : « Un défi solitaire et (très) intense »

Je ne vous cache pas que j’ai fait un choix audacieux en s’aventurant dans un environnement solitaire sur un sujet complexe et exigeant. Ce chemin, loin d’être simple, a été jalonné de défis constants, me poussant à déployer une énergie considérable pour avancer. J’ai toujours décrit cette période comme un véritable combat : un mélange d’efforts acharnés, de sacrifices personnels et d’une persévérance inébranlable pour s’approprier un sujet dense tout en respectant les contraintes imposées par les délais de financement.

Il m’a fallu redoubler d’efforts, parfois au prix de nuits blanches répétées. Il n’était pas rare que je passe deux, voire trois nuits consécutives sans sommeil, simplement parce qu’un bug dans le code échappait à toute logique ou qu’aucune de mes approches ne semblait fonctionner. Ces moments d’impasse donnaient souvent l’impression de verser de l’eau dans le sable : aucun progrès tangible, tout semblait casser, et l’explication restait insaisissable.

Cependant, avec le recul, je ne regrette rien. Si cette expérience était marquée par des erreurs et des défis constants, elle a également été une source d’apprentissage inestimable. J’ai non seulement acquis des compétences techniques et méthodologiques, mais j’ai surtout découvert ma capacité à faire face à l’adversité.

Surtout, cette aventure m’a permis de rencontrer des personnes extraordinaires, dont le soutien a été crucial (par là je souhaite remercier chaleureusement mon cher directeur de thèse Noureddine Atalla et le professeur Said Elkoun), tant sur le plan professionnel que personnel. Ces rencontres, riches en humanité et en partage, ont été un pilier essentiel dans mon quotidien de thésard. En fin de compte, malgré les difficultés, je considère le bilan de cette expérience comme profondément positif, tant pour les connaissances acquises que pour la croissance personnelle qu’elle m’a apportée.


Comment avez-vous trouvé votre poste d’après-thèse ?

Il convient de souligner que la recherche d’emploi au Canada avec un grade « docteur-ingénieur » présente des défis notables. En effet, il n’est pas rare de ne recevoir aucune réponse aux candidatures, ou, dans le meilleur des cas, de se voir proposer un salaire correspondant à celui d’un ingénieur, et non à celui d’un docteur-ingénieur. Cette situation peut parfois être frustrante, car elle reflète une certaine méconnaissance des qualifications et des compétences spécifiques acquises lors d’un parcours doctoral.

Après ma thèse, et grâce à LinkedIn, j’ai intégré une entreprise canadienne spécialisée dans le secteur militaire, où j’ai occupé, pendant près de trois ans, le poste d’ingénieur-chercheur en simulation. Mon rôle consistait principalement à développer des codes, des approches et des modèles numériques destinés à reproduire les tests physiques et à accompagner les ingénieurs concepteurs dans leurs projets.

Récemment, j’ai rejoint un éditeur de logiciel pour me consacrer pleinement à ma passion : la simulation et le calcul intensif. Ce nouveau rôle me permet de travailler sur des projets à la pointe de l’innovation, tout en restant fidèle à mon intérêt pour la résolution de problématiques complexes à l’aide de méthodes numériques avancées. Cette transition marque une étape importante dans mon parcours, en me rapprochant encore davantage de mes aspirations professionnelles et personnelles.

 


A solitary and (very) intense challenge.


Can you present your background and explain why you decided to pursue a PhD?"

Since my high school years, I have had a deep passion for mathematics and physics, two fields that have always sparked my curiosity and stimulated my analytical thinking. It was only natural for me to pursue the path of preparatory classes and engineering school, a route that perfectly aligned with my aspirations. During this period, I had the opportunity to work on several design projects, which allowed me to discover the field of simulation and high-performance computing for the first time. However, at that time in Morocco, engineering schools did not offer a specific major in simulation, which led me to opt for a dual-degree program with France. I continued my studies at two schools specializing in this field (ISAE-SUPMECA and École des Mines) in order to deepen my knowledge and skills.

After three enriching years in Paris, I joined a company in the Paris region as a simulation and scientific computing engineer. This position gave me the chance to work with commercial solvers, but my curious nature and inclination for exploration quickly pushed me to question the limitations of existing tools. I realized that some of the questions I raised within the team went unanswered, which sparked my desire to go further. This quest for understanding and innovation motivated me to take on a new challenge: pursuing a PhD in the field of simulation and scientific computing. This journey, at the crossroads of academic rigor and industrial challenges, embodies my constant will to push the boundaries of knowledge.

The Quest for Knowledge: The Challenge of a PhD…

At the end of 2019, I made a pivotal decision for my professional and personal journey: to resign from my position as a simulation engineer in order to fully commit to postgraduate studies. My ambition at that time was clear: I wanted to undertake a doctoral project that reflected my vision of scientific research—independent, innovative, and enriching.

This vision was built around several fundamental pillars:

  1. Autonomy: To design a structured research plan and a rigorous methodology, while being in control of the scientific direction of my work (with the guidance and support of my thesis supervisor).

  2. Flexibility: To explore unconventional avenues, free from the constraints imposed by external industrial micro interests.

  3. Mentorship: To benefit from a supportive and collaborative environment, where the thesis supervisor acts as a mentor, within a less formal but still demanding framework.

  4. Funding: To have the necessary resources to deepen my skills, access relevant training, and successfully carry out my research.

After analyzing various academic environments, I realized that my concept of a PhD aligned more closely with the North American model. This led me to choose to pursue my PhD at the GAUS laboratory at the University of Sherbrooke, Canada.

During this period, I had the opportunity to work on a research topic that was both fundamental and applied, focusing on the prediction of friction-induced vibrations—a field with significant scientific and industrial implications. My project received substantial funding, notably from the federal government, Compute Canada, Altair Engineering Canada, and Stellantis (formerly Fiat Chrysler Automobiles Canada), allowing me to collaborate with recognized experts and access cutting-edge infrastructure.


How Did You Experience Your PhD?

I often summarize my doctoral journey with this expression: "A solitary and (very) intense challenge."

I won’t hide the fact that I made a bold choice by venturing into a solitary environment on a complex and demanding topic. This path, far from being simple, was marked by constant challenges, pushing me to expend considerable energy to move forward. I always described this period as a real battle: a mix of relentless effort, personal sacrifices, and unwavering perseverance to master a dense subject while meeting the constraints imposed by funding deadlines.

I had to double my efforts, sometimes at the cost of repeated sleepless nights. It wasn’t uncommon for me to spend two or even three consecutive nights without sleep, simply because a bug in the code defied all logic or none of my approaches seemed to work. These moments of deadlock often felt like pouring water into sand: no tangible progress, everything seemed to break, and the explanation remained elusive.

However, in hindsight, I regret nothing. While this experience was marked by mistakes and constant challenges, it was also an invaluable source of learning. I not only acquired technical and methodological skills, but more importantly, I discovered my ability to face adversity.

Above all, this journey allowed me to meet extraordinary people, whose support was crucial (I would like to warmly thank my dear thesis supervisor, Noureddine Atalla, and Professor Said Elkoun), both professionally and personally. These encounters, rich in humanity and sharing, were an essential pillar in my daily life as a PhD student. In the end, despite the difficulties, I consider the outcome of this experience to be deeply positive, both for the knowledge I gained and for the personal growth it brought me.


How Did You Find Your Post-PhD Position?

It should be noted that job hunting in Canada with a "Doctor-Engineer" degree presents significant challenges. Indeed, it is not uncommon to receive no response to applications, or, in the best case, to be offered a salary that corresponds to that of an engineer, rather than a doctor-engineer. This situation can be frustrating at times, as it reflects a certain lack of understanding of the qualifications and specific skills acquired through a doctoral program.

After my PhD, and thanks to LinkedIn, I joined a Canadian company specializing in the military sector, where I held the position of research engineer in simulation for nearly three years. My role primarily involved developing computational codes, approaches, and numerical models to replicate physical tests and assist design engineers in their projects.

Recently, I joined a software editor to fully dedicate myself to my passion: simulation and high-performance computing. This new role allows me to work on cutting-edge projects, while staying true to my interest in solving complex problems using advanced numerical methods. This transition marks an important milestone in my career, bringing me even closer to my professional and personal aspirations.

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