Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Quel est ton parcours, et pourquoi avoir choisi de faire une thèse ?
J’ai longtemps cherché vers quel domaine professionnel m’orienter, et mon parcours a été dicté par une stratégie de garder le plus de portes ouvertes. A la fin du lycée, cela s’est matérialisé par suivre un cursus de type prépa puis grande école d’ingénieur, car j’avais une appétence particulière pour les matières scientifiques et en particulier les sciences physiques. J’ai ensuite choisi d’intégrer une grande école généraliste, les Mines de Saint-Etienne. J’ai étudié plusieurs sujets au sein de cette école, dont les sciences de l’environnement, qui a été ma spécialité.
A la suite de l’école, je me suis inscrit en Master Recherche en Acoustique, étant musicien et ayant apprécié les cours de physique des ondes en prépa. J’ai alors acquis la certitude de vouloir travailler dans le domaine de l’acoustique, sur des sujets techniques, de préférence en R&D industrielle. La recherche académique n’est donc pas ce qui m’a fait venir à la thèse, mais plutôt les atouts qu’elle présente pour accéder à ce type de métiers.
Comment as-tu choisi ton sujet de thèse, et comment s’est-elle déroulée ?
A la fin de mon Master, j’ai cherché des offres d’emploi, en incluant les offres de thèse. Ce n’était pas ma priorité, mais j’étais ouvert à toutes opportunités. Le sujet qui a retenu mon attention était une offre de thèse CIFRE, montage qui correspondait à mon objectif de R&D en milieu industriel, car il permet d’avoir un pied dans ce milieu. De plus, il combinait travail théorique, développement méthodologique et expérimental, ce qui me paraissait très complet. L’entreprise UTAC, qui était en collaboration avec l’IFSTTAR (organisme de recherche ayant initialement proposé le sujet), m’a engagé pendant quelques mois en attendant la validation de dossier de thèse par l’ANRT. Cependant, l’UTAC s’est finalement retiré du projet, et j’ai alors eu le choix entre continuer en CDI chez eux en tant qu’ingénieur d’essais, ou faire la thèse purement académique. J’ai choisi cette dernière option, en ayant eu le sentiment d’avoir fait le tour à l’UTAC en l’espace d’un an, et que je pouvais aller plus loin dans la technique.
Je me suis donc engagé dans cette thèse avec un encadrement du laboratoire UMRAE de l’IFSTTAR à Bron ainsi que du LVA de l’INSA Lyon. La thèse s’est bien déroulée, avec à la clé un article dans une revue de premier rang en acoustique, et j’ai acquis diverses compétences qui allaient m’être utiles par la suite.
Quel poste occupes-tu actuellement ? Quels sont les atouts d’avoir fait une thèse dans ce contexte ?
A la fin de la thèse, j’ai répondu à une offre d’emploi de Naval Group, qui est le constructeur français de Naval de Défense. J’avais déjà eu un aperçu des sujets en vibro-acoustique dans cette entreprise, car un de mes collègues thésards du LVA était en thèse CIFRE avec elle. Le poste que j’ai obtenu était dans un département d’ingénierie, dont l’activité principale n’était pas la R&D, mais plutôt une activité d’ingénieur de projet, avec tout de même une forte composante technique.
Malgré cela, ce département participe activement à de la R&D sur fonds propres, et j’ai été chargé de travailler sur un sujet particulier en plus de mes activités plus « ingénierie ». J’ai eu la responsabilité d’établir une feuille de route pour développer la R&D sur le sujet, et de coordonner une équipe de quelques collègues dont la plupart avait également fait une thèse, avec différentes spécialités complémentaires.
Ma propre spécialité de thèse est le traitement du signal acoustique. J’ai travaillé sur les méthodes d’imagerie qui sont largement utilisées dans le domaine du sonar. Cependant, Naval Group n’est pas le fabricant des antennes et du sonar, mais est responsable de leur intégration à bord des navires. Les sujets de R&D ne concernent ainsi pas directement ma spécialité, mais de la vibro-acoustique. C’est pourquoi mon rôle a été de la coordination d’équipe, de la gestion de projet et de la communication de sujets techniques plus que de développement.
La thèse m’a apporté à la fois la rigueur, les connaissances me permettant d’appréhender des sujets techniques complexes, et la capacité à vulgariser et communiquer vers un public moins spécialiste. On peut parfois se heurter dans ce milieu industriel à des approches plus «ingénieur», qui peuvent être moins rigoureuses, et la plus-value de l’approche scientifique que m’a apportée la thèse est indéniable pour cadrer, clarifier, solidifier les connaissances et les pratiques. Il est de plus demandé aux spécialistes et experts de notre entreprise de diffuser au mieux leur savoir, et l’expérience de la thèse, sur les aspects communication écrite et orale (articles et congrès), est d’une valeur inestimable : elle m’a donné les outils et la confiance en moi pour assumer un tel rôle.
Pour conclure, conseilles-tu de faire une thèse ? Regrettes-tu que ton poste actuel soit un peu éloigné de la R&D ?
Honnêtement, la thèse est un engagement conséquent, sur au moins 3 ans, et qui a fini par me peser sur la fin, avec les échéances de manuscrit et soutenance de thèse. J’ai ainsi été plutôt heureux d’avoir une diversité dans mon travail par la suite : j’ai pu sortir du travail de recherche pure par une activité plus « ingénieur », tout en gardant un pied dans la R&D et de quoi satisfaire ma curiosité en abordant de nouveaux sujets techniques. Je ne réalise pas le gros du travail de développement, étant moins spécialiste que d’autres, mais l’aspect encadrement de projet qui me permet de toucher de près un sujet sans pour autant « mettre les mains dans le cambouis » me convient bien. Et avoir réalisé une thèse, en plus de mon école d’ingénieur généraliste, m’a permis d’avoir les outils pour faire le pont entre les ingénieurs-docteurs et les ingénieurs « purs », ainsi que d’autres personnels non techniques.
En somme, je conseille de faire une thèse, et je tente d’en faire la promotion dans mon entreprise, où les mentalités sont toujours relativement méfiantes sur l’adéquation d’un docteur dans une entreprise industrielle. Si la compétence directe obtenue en thèse ne s’applique pas forcément (c’est un peu mon cas), les compétences transverses que l’on développe sont précieuses. Cependant, la thèse n’est pas essentielle pour tous : elle doit remplir un objectif bien précis dans un projet professionnel réfléchi (vouloir poursuivre dans la recherche académique, l’enseignement supérieur, etc.), car le challenge est réel et la motivation doit pouvoir durer tout au long des 3 années. Alors si vous pensez que cela peut vous aider pour accomplir votre objectif professionnel, n’hésitez pas, ce sera quoi qu’il arrive une expérience enrichissante et irremplaçable !