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Quand le vent tourne : ma transition vers la recherche scientifique


Mathieu RATYNSKI
Mathieu RATYNSKI

Merci d'avoir accepté l'interview


Pouvez-vous nous présenter votre parcours et pourquoi avez-vous décidé de faire une thèse ?

Mon parcours débute en classes préparatoires MPSI, après quoi j’ai intégré directement sur dossier l’ESTACA, une école d’ingénieurs spécialisée dans les transports. J’y ai choisi la spécialité aviation avant de me spécialiser, en fin de cursus, dans le domaine spatial. Cette spécialisation m’a permis de suivre ma dernière année en partenariat avec SUPAERO.

Après mon diplôme d’ingénieur, j’ai décidé de compléter ma formation en m’inscrivant au magistère de physique fondamentale à l’Université Paris-Diderot (aujourd’hui Université Paris-Cité). Cette expérience m’a ouvert les portes de la recherche en physique et m’a révélé que ma manière d’appréhender les sciences correspondait davantage à celle d’un physicien qu’à celle d’un ingénieur. J’ai ensuite poursuivi avec un doctorat de trois ans au LATMOS.

Cette décision est née de plusieurs motivations. D’une part, je souhaitais achever mon parcours académique par une réalisation marquante et approfondir mon exploration du domaine de la physique. D’autre part, mon expérience internationale, notamment au CERN, m’a montré combien le monde de la recherche était enrichissant sur le plan personnel et culturel. La thèse offrait également cette dimension internationale, avec des collaborations et des opportunités de voyage, ce qui a renforcé mon désir de me lancer dans cette aventure.

 

Pourquoi avoir choisi de faire une thèse après l’école d’ingénieur ?

Il y a une phrase que j’entends souvent et que j’apprécie particulièrement : un ingénieur trouve des solutions à un problème, mais ne se pose pas la question de savoir si c’est vraiment un problème.

Cette distinction illustre bien ce qui m’a attiré vers la recherche. Là où l’ingénieur se concentre sur l’optimisation de processus connus, le physicien, lui, questionne la définition même du problème et explore des horizons nouveaux. Faire une thèse, c’est revenir aux fondamentaux : cela implique une démarche proche de l’épistémologie et de la sémantique, où l’on questionne les faits établis pour développer un nouveau corpus de connaissances.

Pendant mon année à Paris-Diderot, j’ai pris conscience que cette démarche d’exploration et de découverte me correspondait davantage. Mon esprit curieux m’a poussé à aller au-delà de l’optimisation pour chercher à comprendre, remettre en question et repousser les limites du savoir. C’est cette prise de conscience, combinée à mon goût pour les questions fondamentales, qui m’a conduit à choisir la thèse après mon école d’ingénieurs.

 

En quoi consiste votre thèse en quelques mots ?

Ma thèse portait sur l’étude des ondes de gravité atmosphérique à l’aide du satellite de l’Agence Spatiale Européenne, Aeolus. Aeolus est équipé d’un lidar, un instrument qui utilise un principe similaire à celui des radars détectant la vitesse des voitures sur une autoroute, mais ici, il est utilisé pour mesurer la vitesse du vent. Grâce à des méthodes détournées, il est possible d’extraire, à partir des profils verticaux de vent fournis par le lidar, des informations précieuses sur les ondes de gravité.

Cette thèse était novatrice, car elle s’appuyait sur une mesure globale du vent, permettant d’étudier ces ondes dans des régions où les données étaient auparavant très limitées, notamment au-dessus des océans. Elle a abouti à la réalisation de la première climatologie de la composante cinétique de l’énergie des ondes de gravité atmosphérique sur plusieurs années.

L’intérêt d’étudier les ondes de gravité atmosphérique réside dans le fait qu’il s’agit d’un phénomène bien connu, mais encore mal représenté dans les modèles et les paramétrisations. Ces ondes, bien qu’importantes, restent insuffisamment étudiées, ce qui laisse de nombreuses questions ouvertes sur leur génération, leurs sources et leurs conséquences sur les dynamiques atmosphériques. Ce travail représentait un double défi, à la fois scientifique et technique. L’instrument étant encore en exploitation, son fonctionnement évoluait au fil des années, ce qui nécessitait une solide compréhension des procédés techniques et une expertise en programmation, mobilisant mon bagage d’ingénieur. En parallèle, une fois les données prêtes, il fallait les interpréter d’un point de vue géophysique, sollicitant ainsi mon intérêt pour la physique et les sciences de la Terre.

 

Quels sont les points les plus difficiles, les plus excitants dans votre parcours de thèse ?

Les moments les plus difficiles de ma thèse ont souvent été marqués par la solitude. Cela inclut la solitude physique, où l’on peut parfois se retrouver isolé, mais aussi une solitude intellectuelle. En effet, on se retrouve face à des questions ouvertes, sans réponses claires ni évidentes. Cela concerne autant des problèmes techniques liés au satellite, qui était encore en exploitation, que des questions plus fondamentales. Parfois, les phénomènes étudiés sont si peu compris qu’il n’existe pas de références dans la littérature permettant de trancher sur des ambiguïtés ou des incertitudes. Cette incertitude peut être déstabilisante. De plus, le métier de chercheur est intrinsèquement solitaire, et il est parfois difficile de trouver des personnes qui partagent ce mode de vie ou comprennent les défis spécifiques de ce parcours.

À l’inverse, les aspects les plus excitants de ma thèse ont été les voyages et les rencontres qu’elle a permis. J’ai eu la chance de participer à des campagnes de mesure, notamment à l’Observatoire de Haute-Provence et à l’Observatoire du Maïdo, à l’Île de la Réunion. Ces expériences sur le terrain étaient à la fois enrichissantes et passionnantes. J’ai également participé à de nombreuses conférences, où j’ai présenté mes travaux lors d’interventions orales. Ces moments étaient intenses, marqués par le stress et l’envie de faire bonne impression, mais profondément stimulants. Ces conférences m’ont offert l’opportunité de rencontrer des chercheurs venus des quatre coins du monde, chacun avec ses idées et sa vision. Ces échanges ont nourri mon parcours scientifique et mes réflexions. Ces voyages et rencontres constituent aujourd’hui des souvenirs inoubliables qui ont non seulement marqué ma thèse, mais aussi enrichi mon parcours personnel et professionnel.


Quels conseils à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?

Je pense que j’aurais deux conseils principaux à donner.

Le premier concerne le choix de son directeur de thèse. C’est une décision cruciale, car c’est une personne avec qui l’on va partager trois années de travail et d’échanges. La relation avec son directeur de thèse est particulière : elle ne ressemble pas à celle que l’on pourrait avoir avec un supérieur hiérarchique classique dans le monde professionnel. Il est donc essentiel de trouver un rythme et une manière de communiquer qui conviennent aux deux parties. Une bonne dynamique de travail en tandem est fondamentale pour le bon déroulement de la thèse.


Mon deuxième conseil est que la thèse doit refléter la personnalité et le mode de fonctionnement du doctorant. Il n’existe pas de manière unique ou universelle de faire une thèse : chaque thèse est aussi singulière que la personne qui la mène. Il est donc essentiel de ne pas se laisser imposer un modèle ou une méthode de travail qui ne nous correspond pas.

Au lieu de laisser la thèse nous dicter une manière d’être, il faut imposer à la thèse notre propre manière de travailler. Une fois que l’on trouve son rythme et sa méthode, les choses deviennent beaucoup plus simples. Par exemple, certains préfèrent cloisonner leur vie professionnelle et personnelle, d’autres non ; certains travaillent le week-end, d’autres évitent. L’important est de construire sa propre dynamique, adaptée à sa personnalité et à ses besoins, car essayer de reproduire les méthodes des autres n’est pas tenable sur le long terme.

En somme, une thèse réussie repose sur une relation saine avec son directeur et sur une méthode de travail qui nous ressemble et que l’on peut maintenir durablement.

 

 

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