Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Où aller en fin d’école d’ingénieur ?
« Première porte à gauche. J’avais dit à gauche Pignon… »
Tout le long de mon cursus en études supérieures (et même bien avant), je me suis toujours plus ou moins laissé porter par le choix le plus évident par rapport à mes matières de prédilection, sans trop me poser de questions ou en allant « là où il y a de la lumière ». En revanche, lors de mon Projet de Fin d’Etudes (PFE) pour devenir ingénieur mécanique, je sentais bien que, cette fois-ci, cette stratégie atteignait ses limites ! Jusque-là sûr de moi à déclarer « Jamais je ne ferai une thèse ! », cette idée devenait grandissante dans mon esprit en confrontant les expériences de stage de mes amis plutôt « ingénieurs classiques » et la mienne, teintée d’une composante recherche afin de valider un second diplôme. Sans de nombreux hasards, comme ce master supplémentaire sur un coup de tête qui m’orienta vers un stage en laboratoire de recherches ou cette offre de thèse tardive, je n’aurai probablement pas été doctorant.
La réponse courte : les stages sont des opportunités essentielles pour tester le monde de la recherche, car même si vous êtes aussi têtu que moi, cela ne coûte rien d’essayer !
Vous n’avez pas de bagages ?
« Ah, ba, non ! On m’a dit de venir, pas de venir avec des bagages, pourquoi il fallait que j’en prenne ? »
Avant de commencer, je ne savais pas exactement où j’allais mettre les pieds ! J’avais mon expérience des stages et quelques travaux d’école, mais je n’avais jamais travaillé à proprement parler dans le monde académique. Heureusement, parmi mon superviseur de stage, mes professeurs ou des doctorants, tous ont tout de suite accepté d’échanger sur le cursus de thèse. La phrase essentielle que je tire de ces divers échanges, c’est la définition suivante : « la formation à la recherche par la recherche et pour la recherche ». Autrement dit ces trois années ont un statut ambivalent, celui d’un travail à part entière, mais également de la poursuite des études. En conséquence, il n’est pas attendu de l’étudiant qu’il maîtrise sur le bout des doigts son futur sujet, d’autant plus que ce dernier fait justement l’objet de recherches actives ! Des connaissances antérieures peuvent être un plus, mais attention à ne pas développer un syndrome de l’imposteur.
La réponse courte : pour mon domaine qu’est la mécanique des structures et des matériaux, les sujets sont nombreux et c’est normal de ne pas tout connaître du sujet, c’est le but de la thèse !
Vous connaissez la richesse de la thèse ?
« - Oui chef. – Elle est belle hein ? - Oui chef. »
La thèse c’est un cœur d’acquis techniques et de connaissances scientifiques, dans un enrobage de compétences plus généralistes. Je pense qu’intuitivement ce noyau dur est communément admis et reconnu, puisqu’une thèse c’est l’appropriation d’une problématique de recherche. En revanche, je voudrais insister sur le second volet qui est souvent moins mis en avant ou méconnu et combattre le terrible « c’est perdre trois années ». La planification, la conduite de projet et l’organisation sont autant de compétences de gestion développées pendant la thèse. Les compétences oratoires ne sont pas en reste avec les interventions en congrès internationaux ou à l’occasion de médiations scientifiques, comme la non moins célèbre « Ma thèse en 180 secondes » (MT180) à laquelle j’ai eu la chance de participer. Il faudrait aussi citer l’esprit critique, la capacité de synthèse, la pédagogie et bien d’autres mais impossible d’être exhaustif !
La réponse courte : la thèse est à la croisée de la recherche, l’enseignement et l’industrie, plus qu’un diplôme, elle apporte de larges connaissances scientifiques et compétences techniques.
C’est une bonne situation, ça, thésard ?
« Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. »
Bien sûr chaque cas est différent, selon la ville, le laboratoire, l’équipe, l’encadrement… Ce qui est certain, c’est que dans mon cas, cela a été une révélation ! Certes, une thèse ce sont des apports sur le plan professionnel, mais aussi et surtout un épanouissement et un enrichissement personnel fort. Lors de ma thèse, j’ai eu la chance de rencontrer des anciens élèves de mon école d’ingénieur que je ne connaissais même pas, de découvrir des personnalités et des cultures de tous horizons et de débuter de très belles amitiés. De même, j’ai été supervisé par deux directeurs de thèse formidables. Tout ceci joue selon moi plus encore que le sujet scientifique, la localisation géographique ou le salaire sur le bien-être et le bon déroulement de ces trois années. Dans la position de candidat pour une thèse, il est ainsi très important d’incarner la position d’un recruteur et de se renseigner sur les laboratoires, les encadrant ou l’ambiance de travail.
La réponse courte : la thèse ce sont des rencontres uniques et une super ambiance de travail, il est possible de se renseigner auprès d’anciens doctorants pour s’en assurer avant embauche !
Et maintenant, quoi de neuf docteur ?
« J'aurais dû tourner à gauche à Albuquerque ! »
J’ai obtenu mon titre de docteur de l’ISAE-ENSMA après trois années passées à l’Institut Pprime de Poitiers. La thèse a été extrêmement utile à la suite de ma carrière, puisqu’à défaut d’avoir poursuivi dans le domaine académique ou dans l’exact continuité de mon sujet de thèse, j’ai intégré en tant qu’ingénieur de recherche l’IFPEN dans le département de mécanique des solides. Ce type de poste n’est pas exclusif aux docteurs, mais la très grande majorité des ingénieurs du département le sont. Je traite aujourd’hui une vaste diversité de travaux portant sur l’éolien, les batteries ou encore les milieux granulaires. Pendant et depuis, j’ai aussi vu plusieurs proches dans mon entourage quitter leur poste actuel pour se consacrer à une thèse et j’encourage toutes les personnes intéressées à se lancer dans l’aventure. J’aimerai pour terminer insister sur le fait qu’une thèse n’est pas réservée à ceux qui souhaitent devenir maître de conférences.
La réponse courte : la thèse contribue avec certitude à la personne que je suis aujourd’hui, de ma façon de penser et d’appréhender le monder jusqu’à mon poste d’ingénieur de recherche actuel.