Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview
Pourriez-vous présenter votre parcours avant la thèse ?
J’ai entamé mes études post-baccalauréat par deux années en classes préparatoires aux grandes écoles au Maroc, filière MP. À l’issue de ces deux années, j’ai intégré la prestigieuse École Hassania des Travaux Publics (EHTP) pour suivre une formation d’ingénieur en génie civil. Mon passage à l’EHTP a constitué une véritable pierre angulaire dans ma formation, tant par la richesse des cours dispensés que par les expériences pratiques acquises lors des stages professionnels. Parmi les enseignements qui m’ont particulièrement marquée, le cours sur les matériaux a éveillé mon intérêt pour la recherche dans ce domaine. C’est ce qui m’a motivée à postuler pour un double diplôme en Master 2, dans le cadre d’un partenariat entre l’EHTP et l’École Centrale de Nantes (ECN). Ce master « Matériaux et Structures dans leur Environnement », axé sur l’initiation à la recherche et des cours assez théoriques et fondamentaux, a parfaitement complété ma formation d’ingénieur en y apportant une dimension scientifique plus approfondie.
Par la suite, j’ai réalisé mon projet de fin d’études au sein de l’Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique (GeM), en collaboration avec l’entreprise cimentière Vicat. Ce stage portait sur l’étude de l’influence de la teneur en C3A du ciment sur le réseau de bulles d’air dans les bétons destinés à des environnements soumis à des conditions hivernales rigoureuses. Lors de ce projet, nous avons développé une méthodologie automatisée pour la détermination du facteur d’espacement des bulles d’air et avons établi une corrélation entre la résistance à l’écaillage du béton et un indicateur plus pertinent que le facteur d’espacement : le volume de pâte protégé. Ce fût un tremplin vers le monde de la recherche !
Parlez-nous de votre sujet de thèse.
J’ai réalisé ma thèse au sein de l’unité de recherche Ingénierie Verte, rattachée au GeM à l’ECN. Cette thèse a été dirigée par Pr. Ahmed LOUKILI et co-encadrée par Dr. Benoît HILLOULIN. C’est une thèse dans le domaine du génie civil qui s’intitule: « Étude des propriétés mécaniques des liants bas-carbone par des approches expérimentales multi-échelles ».
Dans un contexte environnemental visant à réduire l’empreinte carbone de l’industrie cimentaire, une des voies les plus prometteuses consiste à substituer une partie du ciment par des additions minérales. La compréhension des comportements de ces nouveaux ciments, observés à l’échelle macroscopique, nécessite une étude approfondie des phénomènes se produisant aux échelles micro- et nanométriques, où la mécanique rejoint la chimie. Ma thèse s’est alors appuyée sur des approches expérimentales avancées, telles que la micro- et la nanoindentation, pour évaluer les propriétés mécaniques et viscoélastiques des pâtes et des phases cimentaires à ces échelles réduites. Les connaissances sur les performances mécaniques macroscopiques de ces liants sont approfondies à travers l’analyse de leurs propriétés microscopiques, enrichies par des informations chimiques. En outre, une contribution méthodologique majeure de cette thèse réside dans le développement d’une méthode innovante de déconvolution des résultats de nanoindentation qui couple la déconvolution statistique par modèles de mélanges gaussiens à l’analyse d’images obtenues via microscopie électronique à balayage. Une meilleure prédiction du fluage de ces matériaux à l’échelle macroscopique est ainsi possible, tout en comprenant les phénomènes microscopiques qui régissent ces comportements.
Quels sont les points les plus difficiles, les plus marquants dans votre parcours de thèse ?
Une thèse est un parcours ponctué de défis, d’intenses moments de doute, mais aussi de grandes satisfactions. Les périodes de difficulté se distinguent par des résultats parfois incertains ou lents à obtenir, malgré un travail acharné. Ces moments m’ont confrontée à des questions fondamentales sur mes choix scientifiques et ont parfois suscité un sentiment d’isolement. Pourtant, ces épreuves sont rapidement éclipsées par les instants de joie et de reconnaissance qui jalonnent la fin du parcours.
La soutenance de thèse a été un moment particulièrement marquant. Présenter mes recherches devant un jury d’experts, voir mon travail discuté et validé, a été une expérience émouvante et gratifiante. C’est dans ces échanges que j’ai mesuré la portée de mes contributions et la pertinence de mes efforts. Une autre source de fierté réside dans la reconnaissance de son travail tant par ses pairs que par la communauté scientifique élargie. En effet, mes travaux de thèse ont été récompensés par deux prix scientifiques : le premier prix Jeunes Chercheurs
« René Houpert » décerné par l’Association Universitaire du Génie Civil, et le prix de la meilleure présentation de doctorant(e) lors de la conférence internationale ICCM2024. Les distinctions et prix reçus pour mon travail m’ont apporté une validation supplémentaire et ont confirmé l’impact de mes recherches au-delà du cadre académique.
Quelles sont, selon vous, les compétences valorisables apprises grâce au doctorat ?
Le doctorat développe un large éventail de compétences transversales. Tout d’abord, il cultive une grande capacité d’analyse et de résolution de problèmes complexes, grâce à une méthodologie rigoureuse et une approche critique. La gestion de projet est également au cœur de l’expérience, incluant la planification, l’organisation, l’encadrement et la priorisation sur plusieurs années. De plus, le doctorat renforce les compétences en communication, tant écrite qu’orale, notamment par la rédaction d’articles scientifiques et les présentations à des publics variés. Enfin, la persévérance, l’autonomie et l’adaptabilité acquises au cours des défis rencontrés font du doctorant un atout précieux dans tout environnement professionnel.