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Le réemploi dans le BTP: bâtir l'avenir avec des matériaux du passé


Agiles YAMI
Aghiless YAHMI

Merci d'avoir accepté l'interview.


Peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai effectué mes études d’ingénieur en Génie des Matériaux, où j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur d’Etat à l’Ecole Polytechnique d’Alger. Durant cette formation, j’ai réalisé un projet de fin d’études axé sur les biocomposites à fibres végétales à l’Icam de Nantes. Mon travail consistait à élaborer et tester ces produits tout en étudiant l’effet des proportions de fibres sur leurs performances mécaniques. Cette expérience a renforcé mon intérêt pour les matériaux innovants et leur potentiel à répondre à des besoins spécifiques. Après mon diplôme d’ingénieur, j’ai poursuivi un Master en Matériaux Fonctionnels et Applications à l’Université Paris-Saclay. Ce master, orienté vers la recherche, m’a permis de me spécialiser davantage en approfondissant mes compétences théoriques sur les sciences des matériaux.

Motivé par ces expériences et l’envie de travailler sur des matériaux avec une seconde vie, j’ai choisi de réaliser une thèse de doctorat. Depuis 2022, je travaille sur cette thèse en cotutelle entre l’Icam de Nantes et le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) et je suis affilié au laboratoire de recherche GeM. Mon sujet s’inscrit dans le cadre du projet Filière 3R : de l’expérimentation à la massification porté par Dr. Mahfoud TAHLAITI soutenu par la Région Pays de la Loire et l’ADEME, et mes travaux sont encadrés par Pr. Abdelhafid KHELIDJ (GeM, équipe IEG, IUT de Saint-Nazaire), Dr. Mahfoud TAHLAITI (GeM, enseignant chercheur à l’Icam et Responsable d'activités Génie Civil & BTP), Dr. Mustapha NOURI (enseignant chercheur à l’Icam) aux côtés de mes tuteurs CSTB Mr. Nicolas PLACE (Ingénieur Recherche) et Mme. Charlène RAFFIN (Directrice de Projet).


En quoi consiste ta thèse ?

Ma thèse, intitulée "Développement de corrélations entre résultats d’essais ex-situ et autocontrôles en vue de simplifier les processus de justification des performances des produits à réemployer", s’inscrit dans une démarche de réemploi des produits, équipement et matériaux (PEM). Elle se concentre sur l’évaluation des performances de matériaux comme les bardages minéraux et les éléments de structure en bois, en simplifiant les processus de justification grâce à des essais non destructifs.

Le réemploi, indispensable pour réduire l'impact environnemental des constructions, s'accompagne de défis majeurs, tels que la réalisation d'essais destructifs pour garantir la durabilité et la sécurité des matériaux dans leur nouvelle utilisation. Ces contraintes, souvent coûteuses et chronophages, peuvent représenter un frein financier, logistique et assurantiel pour les acteurs du secteur.

L’idée principale de ma thèse est de pouvoir diagnostiquer rapidement et simplement ces PEM, soit avant leur dépose, soit une fois récupérés, puis de caractériser leurs performances afin de répondre aux différentes exigences. Une part importante de mes travaux porte sur la mise en place de corrélations entre des essais destructifs, considérés comme des références classiques, et des essais non destructifs. Cette approche permet non seulement de préserver les matériaux, mais aussi d’accélérer et de faciliter leur réemploi à plus grande échelle. Une méthodologie générale est développée pour guider ce processus, et elle est ensuite adaptée en fonction des propriétés spécifiques recherchées pour chaque famille de produit étudiée. Par exemple, les travaux incluent la prédiction des performances acoustiques ou mécaniques, selon les exigences des matériaux étudiés. En parallèle, la thèse explore l’impact environnemental des matériaux réemployés à travers des analyses de cycle de vie (ACV).


Quels défis as-tu rencontrés au cours de ta thèse ?

Le principal défi de ma thèse réside dans sa pluridisciplinarité et la complexité des étapes qu’elle implique. Tout commence par un travail bibliographique approfondi sur le vieillissement des matériaux et produits étudiés. Cette étape est essentielle pour comprendre leur comportement au fil du temps et ainsi développer des diagnostics adaptés. Ensuite, il est nécessaire de déterminer quels essais destructifs et non destructifs sont les plus pertinents pour caractériser les propriétés ciblées, avec pour objectif final de s’affranchir des essais destructifs en faveur des techniques non destructives.

La thèse comporte une partie expérimentale importante, avec la réalisation d’essais destructifs et non destructifs sur des matériaux variés. Cette expérimentation est couplée à une modélisation numérique pour mieux interpréter les résultats et, dans certains cas, intégrer des outils d’intelligence artificielle. Ces outils permettent d’optimiser les corrélations et d’améliorer la prédiction des performances des matériaux. Cette approche combinée ajoute une couche de complexité, mais aussi de richesse à la recherche.

Un autre défi majeur réside dans le fait que le domaine du réemploi est encore peu exploré scientifiquement. Cela nécessite d’innover et de développer des méthodologies adaptées, tout en s’assurant que les résultats soient applicables à grande échelle. Enfin, la collaboration avec plusieurs partenaires, ayant chacun des attentes spécifiques, demande une organisation et une communication efficace pour aligner les objectifs et coordonner les travaux.

Heureusement, avec le soutien de mes encadrants et une approche collaborative, nous avançons progressivement sur ces différents fronts. Cela nous permet de poser les bases scientifiques nécessaires pour structurer et contribuer à la massification des pratiques de réemploi, tout en répondant aux enjeux techniques et opérationnels de ce domaine émergent.


Quel est l’aspect de ton parcours doctoral dont tu es le plus fier, et pourquoi ?

Je suis fier de plusieurs réalisations au cours de ma thèse. Tout d’abord, j’ai été lauréat du prix du meilleur poster aux Rencontres Universitaires du Génie Civil (RUGC) 2024 et au concours de bande dessinée organisé par le CSTB en 2024.

Sur le plan scientifique, j’ai publié, avec mes encadrants, un article sur le diagnostic et la requalification des éléments en bois lamellé-collé, ainsi qu’un guide méthodologique de diagnostic et d’évaluation des performances pour le réemploi de bardages rapportés, élaboré dans le cadre du projet SPIROU, piloté par le CSTB et financé par l’ADEME. Ces publications fournissent des outils concrets pour faciliter et sécuriser les pratiques de réemploi, en soutenant l’industrialisation de ces processus dans un secteur encore en structuration.

En parallèle, j’ai eu l’opportunité d’encadrer plusieurs étudiants dans le cadre de leurs projets en école d’ingénieur. J’assure également des travaux pratiques en analyse environnementale. Ces expériences se sont révélées particulièrement enrichissantes, me permettant à la fois de partager mes connaissances, de développer mes compétences en gestion de projet et en pédagogie, et de contribuer activement à la formation des ingénieurs sur des thématiques actuelles et essentielles. Par ailleurs, mes travaux me garantissent une interaction constante avec de nombreux industriels, tout en m’offrant l’occasion de visiter divers chantiers.

Ces réalisations, qu’elles soient académiques, scientifiques ou pédagogiques, représentent une immense source de satisfaction.

 

 

 

 

 

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