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La thèse : un tremplin vers la recherche industrielle


Flore VILLARET
Flore VILLARET

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Quel est votre parcours et comment en êtes-vous arrivée à faire une thèse ?

Après un bac scientifique, j’ai choisi d’intégrer un classe préparatoire intégrée (La Prépa des INP à Grenoble), puis une école d’ingénieur, l’ENSIACET.

Jusqu’à mon stage de 2ème année d’école d’ingénieur je n’envisageais pas de faire une thèse, j’avais envie d’en finir avec les études et de travailler. J’imaginais la thèse comme trois années d’études supplémentaires, similaires à ce que j’avais vécu jusque-là, mais je me trompais. Au cours de mon stage de 2ème année, j’ai travaillé à la fois en laboratoire académique et à la fois avec une entreprise, un véritable stage de R&D industrielle. Cela m’a permis de côtoyer des docteurs et des doctorants en métallurgie et a complètement changé ma vision du doctorat. J’ai compris que la thèse ressemblait plutôt à un premier emploi où on est chargé de résoudre un problème technique de haut niveau scientifique en étant accompagné. Un bon moyen de se former par l’expérience.

Cette expérience et des discussions avec mes professeurs à l’école m’ont convaincue de poursuivre avec une thèse à l’issue de mes études d’ingénieurs. J’ai aussi compris au cours de ma 3ème année d’école d’ingénieur, que si je souhaitais travailler dans le monde de la recherche et développement industriel, une thèse était un véritable atout, et même incontournable pour certains postes.

Comme l’aspect pratique et appliqué de mon travail était important pour moi, j’ai cherché une thèse expérimentale avec un partenaire industriel. Au cours de mon stage de 3ème année, le CEA, qui était partenaire de mon stage, m’a proposé un sujet intéressant sur lequel j’ai poursuivi en thèse ensuite.


Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?

Aujourd’hui je suis ingénieur-chercheur à EDF R&D, je travaille sur des thématiques autour du soudage et de la fabrication additive. C’est un poste avec une dominante technique qui est assez dans le prolongement de mon sujet de thèse, donc évidemment les compétences techniques et l’expertise que j’ai acquise sur la métallurgie au cours de la thèse me servent beaucoup. Mais j’ai observé qu’être embauché sur un poste dans le prolongement de son sujet de thèse était en fait une situation assez rare.

On acquiert au cours du doctorat de nombreuses compétences transverses : comme la capacité à prendre en main un nouveau sujet (par quelles lectures commencer ? où aller chercher l’information etc), ou celle de construire et mener un programme scientifique. On apprend aussi à synthétiser et se concentrer sur les éléments importants pour construire son propos. La capacité à présenter et mettre en valeur son travail auprès de publics très variés et dans des formats différents est également très développée au cours du doctorat, en allant des présentations devant le directeur de thèse ou des experts techniques et la rédaction du manuscrit, à l’écriture de résumés courts ou de présentations devant des publics moins avertis. Au cours de la thèse on gagne aussi en maturité et en autonomie de façon notable : comme dans le monde professionnel, on se rend vite compte qu’il y a des sujets qu’on est le seul à pouvoir faire avancer, si on ne le fait pas, personne ne le fera à notre place. D’une façon générale ces compétences transverses sont très appréciées des manager et il ne faut pas hésiter à les mettre en valeur lors d’une candidature, en particulier si on candidate sur un poste qui est en dehors de son domaine technique.


Quels conseils donneriez-vous à un docteur qui souhaite se lancer dans le monde professionnel ?​

En dehors de la valorisation des compétences transverses dont j’ai parlé précédemment, je dirai qu’il faut profiter le plus possible des conférences, partenariats et autres interactions que l’on a en dehors de son labo au cours de sa thèse pour créer des liens et se faire un réseau. En effet, par un bon réseau on sera plus facilement mis au courant de nouvelles offres de postes au moment où elles sortent (voir avant qu’elles sortent). D’autre part, le fait de connaitre quelqu’un dans l’équipe dans laquelle on candidate peut-être un vrai plus pour préparer sa candidature et se faire recommander par cette personne est également un bon tremplin.

Si on n’est pas trop timide cela peut être assez facile à faire : lors des conférences quand il y a des questions de la part de l’audience ou que l’on voit des présentations intéressantes, cela peut être des occasions d’engager une discussion plus détaillée avec les personnes après la session, au moment du café, et de leur laisser une carte de visite ou un lien vers son profil LinkedIn.

Personnellement j’étais assez timide donc je trouvais cela difficile d’approcher des chercheurs que je ne connaissais pas en étant jeune doctorante inconnue. Plusieurs choses m’ont aidée à me créer ce réseau : d’une part j’ai eu la chance que mes encadrants de thèse me fassent profiter de leur réseau, en me présentant les personnes avec qui ils avaient apprécié de travailler, à l’occasion des conférences ou d’échanges techniques autour de ma thèse. Ensuite, j’ai adhéré à plusieurs sociétés savantes qui correspondaient à mon domaine d’activité (Société Française de Matériaux et Métallurgie, SF2M, et Société Française de l’Energie Nucléaire, SFEN principalement). Depuis ma 2ème année de thèse, je suis impliquée dans Groupe Jeunes de la SF2M, via les projets que nous avons conduits cela m’a permis de rencontrer du monde et de bien développer mon réseau.


Vous évoluez dans un milieu qu’on pourrait qualifier comme étant plutôt

« masculin ». Cela n’est-il pas difficile ?

Au cours de ma thèse j’ai été plutôt chanceuse de ce point de vue-là, même si j’avais 4 encadrants, dans mon laboratoire au CEA on atteignait presque la parité dans l’équipe, et dans mon laboratoire à l’INSA il y avait également pas mal de doctorantes dans ma promotion, donc je ne me suis jamais vraiment sentie en minorité.

Ça a un peu changé quand j’ai démarré avec mon poste à EDF, pendant plusieurs années j’ai été la seule femme parmi les ingénieurs-chercheurs et au niveau de l’équipe on était largement en minorité. Cela s’est un peu amélioré depuis car il y a eu un certain nombre de nouvelles arrivantes mais cela reste une équipe quand même très masculine. Je reconnais que j’ai déjà eu des moments de solitude en réunion ou lors d’évènements professionnels où je me suis dit

« mince on est 10 autour de cette table et je suis la seule femme ». Cependant je n’ai jamais eu de problèmes à ce propos, les comportements sexistes sont bien moins tolérés de la part de la hiérarchie aujourd’hui qu’il y a 20 ans et les gens n’y sont plus indifférents.

Je pense que c’est un peu dommage que 50 % de la population soit mal représentée dans ces domaines, car on se prive de points de vue et d’approches différentes (et c’est vrai aussi dans l’autre sens, pour les filières où les hommes sont sous-représentés). Il y a encore beaucoup d’écoles d’ingénieurs où la proportion de femmes n’atteint pas 30%, en science des matériaux j’ai le sentiment que les statistiques sont un peu plus équilibrés mais malgré tout, je ne reçois pas beaucoup de candidatures féminines aux offres de stages et de thèse, je me demande où disparaissent les femmes ensuite ? Je pense qu’il y a encore du travail à faire pour donner envie aux jeunes filles de travailler dans les domaines scientifiques et techniques. Il faut peut-être leur proposer des modèles féminins inspirants et atteignables !

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