Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview
Peux-tu nous présenter ton parcours et pourquoi as-tu décidé de faire une thèse ?
Après une prépa PCSI-PC* au lycée Henri Wallon de Valenciennes, j'ai intégré l'ENS Paris-Saclay en ayant en tête que je souhaitais suivre une formation scientifique spécialisée et orientée vers la recherche. Ces quatres années entouré d'étudiants passionnés par les sciences et techniques et se destinant à la recherche et l'enseignement n'ont fait que renforcer mon envie de poursuivre dans cette direction. Initialement motivé par la physique appliquée et le traitement du signal, j'ai intégré le département EEA de l'école, pour finir sur un master plutôt orienté vers les mathématiques appliquées et le machine learning. Cela correspondait aux tendances du moment, tout le monde réalisant les opportunités offertes par l'intelligence artificielle. Au terme de ce master, ma candidature a été retenue pour une thèse d'imagerie médicale au CEA ainsi que pour une thèse Cifre-Défense encadrée par l'école des Mines et Thales. J'ai opté pour cette dernière par passion pour l'univers de la défense.
Pourquoi une thèse Cifre-Défense ?
Enfant, j'ai longtemps rêvé de devenir amiral. Une fois un peu plus vieux, j'ai réalisé que mon engouement pour les sciences et la technique se réservait la première place, finir en Cifre-Défense et donc travailler avec des contacts réguliers avec l'Agence de l'innovation de défense (AID) était une parfaite opportunité pour réconcilier ces intérêts a priori divergents. Choisir une thèse Cifre au sein du groupe Thales était par ailleurs un moyen de garantir le réalisme des pistes suivies, tout en s'assurant la plus grande proximité avec la source des données à l'origine des recherches, ce qui constitue un atout considérable lorsqu'il s'agit d'entraîner une intelligence artificielle.
En quoi consiste ta thèse en quelques mots ?
Ma thèse vise à l'intégration de l'apprentissage statistique dans des radars existants de manière à améliorer la détection et la discrimination des cibles petites et lentes. C'est une thèse à la fois très ouverte et très contrainte car elle résulte de la volonté d'intégrer des méthodes de traitement de données modernes dans des systèmes aux paramètres déjà bien définis. Cette thèse illustre parfaitement l'état d'esprit d'un travail de R&D : il s'agit d'améliorer un système existant en y intégrant de récentes innovations, dans un cadre technique exigeant. Elle se situe à l'intersection du traitement de signal classique et de la révolution de l'apprentissage statistique de ces vingt dernières années.
Après votre thèse, quel a été votre parcours?
Suite à ma thèse, j'ai rejoint une start-up berlinoise créant des réseaux de neurones destinés à la classification et la segmentation d'images pour l'histopathologie. Il s'agit d'identifier des cellules du système immunitaire et des cellules cancéreuses dans des images microscopiques à très haute résolution, une tâche parfaite pour un réseau de neurones. C'est une application très similaire à l'imagerie satellitaire multispectrale, donc en plus de me faire découvrir le futur de la lutte contre le cancer, cet emploi me permet de continuer de développer des compétences très transversales. Souhaitant donner une dimension européenne à mon parcours professionnel, ma thèse m'a permis de très facilement me faire une place dans une équipe outre-Rhin dont le niveau n'a cessé de m'impressionner, et au sein de laquelle j'ai beaucoup appris quant à la mise en production et l'amélioration continue de réseaux de neurones. On ne peut pas tout apprendre dans le monde académique, et la R&D ne s'arrête pas dans les laboratoires, surtout quand on fait de l'IA en 2024 ! Ceci étant dit, je pense revenir à moyen terme en France pour faire de la R&D dans le public ou le privé, une thèse Cifre étant une excellente passerelle vers les institutions publiques (CEA, ONERA, DGA, etc), les grands groupes et les start-ups.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?
Il ne faut pas se décourager, une thèse est un marathon avec des hauts et des bas. Je pense que derrière beaucoup de très bonnes thèses se trouvent des avancées réalisées petit à petit. Il ne faut pas s'attendre à placer un article dans la meilleure conférence dès la première année, mais construire un édifice pierre par pierre, en prenant garde à bien choisir quand s'accrocher à une piste de recherche précise. Une des difficultés rencontrées dans une thèse en IA de nos jours est l'explosion du nombre de publications et autres communications de recherche quelle que soit l'application. Il est donc impératif de savoir bien investir son temps de lecture, et donc de ne pas tenter de suivre trop de sujets à la fois. Une thèse est en outre un enchaînement de rencontres visant à affûter ses idées avec des interlocuteurs pertinents qui vous élèvent finalement à une certaine autonomie intellectuelle sur vos sujets. Si vous restez dans le domaine, ces interlocuteurs sont précieux, donc restez en contact. Pour finir, participer activement à la vie de laboratoire est un excellent moyen de s'entraîner à convaincre vos pairs dans un contexte bienveillant, et d'organiser des groupes de lecture pour se maintenir à jour sur l'état de l'art ensemble. Équipés d'un tableau blanc et d'un feutre, vous pouvez ainsi restituer des articles sous forme de schémas et d'équations de manière interactive. Et, après tout, plus on est de fous, plus on rit !