Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours et pourquoi avoir choisi de faire une thèse après l’école d’ingénieur ?
J’ai eu un début de parcours vraiment classique, pour ne pas dire vu et revu : bac général scientifique, classe prépa puis en école d’ingénieur généraliste (ENSAM). Dans ma tête, je ne voyais pas plus loin que ça : je me disais que tout se jouait sur l’école que j’allais intégrer et que la suite se ferait naturellement, sans que j’aie à me poser trop de questions. Mais à peine arrivé à l’ENSAM, on me fait comprendre que la finalité, ce n’est pas le diplôme mais bien ce que je veux faire comme métier. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que ce qui me plaisait réellement dans la science, c’était de la transmettre. Alors c’était décidé, j’allais devenir enseignant. Mais comment ? L’ENSAM ne préparait pas à l’agrégation, et pas de passerelle avec l’ENS possible. Sur les conseils de mes professeurs, je devais faire un Master de recherche puis un doctorat.
Pour le Master, j’ai eu la chance de le faire au Royaume-Uni dans une université partenaire, avec un sujet de mémoire qui se prêtait bien à une poursuite en thèse : on étudiait les écoulements d’air dans une soufflerie chez Rolls-Royce. Mais pas de chance : on était début 2020, et le Covid-19 s’apprêtait à chambouler les plans de beaucoup de monde. Les frontières se refermant les unes après les autres, j’ai cherché une thèse en France. J’ai simplement trouvé le sujet sur Campus France, qui rassemblait plusieurs offres. Je suis donc parti à Poitiers pour une thèse à l’ISAE-ENSMA, dans un laboratoire de combustion. Rien à voir avec ma formation initiale, mais je m’intéressais à la sécurité industrielle, et l’hydrogène apportait quelques problématiques à ce sujet.
Comment avez-vous vécu votre doctorat ?
Mon plan initial, c’était de faire une thèse avec un peu d’enseignement, puis passer le concours de l’agrégation « spécial docteur ». Pour la recherche en soi, avouons-le, je m’attendais à en avoir marre à la fin de la thèse… Perdu ! Je me suis éclaté à bricoler mon banc expérimental, essayer de comprendre ce que je faisais, et communiquer mes « trouvailles » en publications ou conférences. Ça n’a pas été une promenade de santé bien sûr, mais comme ça n’a pas été facile non plus pour mes camarades de l’ENSAM qui étaient à leur premier job dans l’industrie.
Après votre thèse, quel a été votre parcours ?
Avec ma compagne, on voulait changer de ville, et la fin de thèse concordait bien avec son évolution de carrière. Nous sommes donc partis pour Toulouse où j’ai été recruté comme enseignant-chercheur en CDD d’un an. J’enseignais à l’UT3 Paul Sabatier et ai rejoint le département combustion de l’IMFT pour la recherche. Ça m’a laissé un an pour préparer les concours de recrutement de Maître de Conférences. Me voici aujourd’hui MCF dans le département où j’enseignais déjà à l’UT3, mais maintenant je fais ma recherche au département robotique du LAAS, un autre laboratoire toulousain.
Comment avez-vous vécu votre après-thèse ?
À l’Université, j’ai enseigné dans des matières sans rapport avec ma thèse ni celles que j’ai enseignées à l’ISAE-ENSMA. Pour la recherche, l’équipe combustion de l’IMFT n’avait pas de projet que je pouvais porter dans les temps de mon CDD. J’ai donc dû changer de sujet pour les écoulements liquide-gaz.
Ça a été déroutant ces changements, et je me suis beaucoup remis en question. Vais-je réussir les concours de MCF ? Aurais-je dû rester dans mon labo de thèse ? Aurais-je dû faire une thèse dans un autre domaine, plus proche de ma formation initiale ? Mais j’ai la chance d’être entouré de proches et de collègues merveilleux, qui m’ont fait maintenir le cap. J’ai aussi profité de l’année d’ATER pour des projets personnels, comme prendre des cours de portrait.
Vous avez changé de domaine plusieurs fois dans votre parcours…
On me l’a en effet reproché ! J’ai fait un aller-retour mécanique des solides-mécanique des fluides, avec des arrêts dans plusieurs sous-thématiques. Mais le but de la formation doctorale, ce n’est pas de devenir un(e) expert(e) dans un domaine bien particulier. Le but, c’est d’acquérir un ensemble de compétences et une culture qui sont communes à chaque sujet de thèse. On attend de chaque docteur(e) de savoir constituer un état de l’art, formuler une problématique, suivre la méthode scientifique pour y répondre, puis de communiquer dessus. Bien sûr, il y a des compétences propres à chaque sujet, mais elles relèvent de techniques qui peuvent s’apprendre hors-doctorat, comme l’utilisation de tel ou tel appareil.
La thématique de recherche de la thèse n’a donc pas d’importance ?
Ce n’est pas ce que je veux dire. C’est vrai qu’il est plus confortable de rester dans sa thématique toute sa carrière. On peut ne jamais en sortir et devenir une pointure. Mais il ne faut pas oublier qu’on a toujours besoin de plusieurs casquettes pour faire de la recherche. Sans ma formation en mécanique des solides, je n’aurais pas pu mener mes expériences en combustion ! Pour ce qui est de la légitimité, j’étais plus que novice en début de thèse… et ça ne m’a pas empêché de gagner le prix de l’école doctorale 3 ans après ! Découvrir un nouveau sujet, c’est chronophage et intimidant, mais il faut savoir changer pour s’adapter aux opportunités et aux besoins. Qui saurait dire quels seront les axes de recherches priorisés à l’avenir ? Il va y avoir des thématiques laissées de côté par les pouvoirs publics et d’autres qui feront leur apparition.