Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Quel parcours vous a mené à la thèse ?
J'ai effectué mes études supérieures à l'INSA Rennes (école d'ingénieurs), en spécialité informatique. Au sein d'une même promotion, on remarque assez rapidement la diversité des profils et des carrières envisagées : développement logiciel, entrepreneuriat, conseil, gestion de projet, R&D, académie, etc. J'ai assez rapidement identifié que j'avais un profil mixte. En effet, je me voyais développeur après mes études car je souhaitais avoir un impact concret sur la société, mais j'apprécie partager mes connaissances avec les autres et les cours qui me passionnaient le plus se rapprochaient de l'informatique théorique (en particulier la programmation fonctionnelle, la compilation et la logique).
Mon objectif était de trouver un poste de développeur OCaml à l'issue de mon cursus, mais je me suis rapidement rendu compte que ce profil se retrouvait beaucoup plus dans la recherche que dans l'industrie. J'ai donc effectué un stage de recherche en laboratoire pour découvrir ce milieu. Le stage m'a beaucoup plu et les semaines en entreprise que j'ai dû faire pour valider mon diplôme m'ont convaincu que je serais plus intéressé par la recherche pour la suite de mes études. J'ai donc converti ma dernière année en Master recherche à l'université de Rennes 1. J'y ai suivi des cours d'approfondissement dans les branches de l'informatique qui me plaisaient le plus et j'ai trouvé un sujet de thèse qui gravite autour de la programmation fonctionnelle et de la logique.
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Qu’avez-vous apprécié au cours de votre thèse ?
Premièrement, j'ai beaucoup apprécié le fait d'apprendre en continu. En effet, la recherche n'est jamais une tâche parfaitement définie avec une solution unique mais un processus sans fin dans lequel les publications sont un outil pour décrire au reste de la communauté ce que l'on a découvert. On est exposé à de nombreux sujets connexes, chose très stimulante intellectuellement, et chaque jour est différent. Les tâches d'enseignement permettent aussi de compléter une approche du savoir en s'entraînant à le partager avec d'autres, en l'expliquant, en essayant de trouver la manière la plus simple possible de le présenter. La communication est un aspect très important de la recherche, car un domaine scientifique est toujours exploré par plusieurs personnes et nul n'est éternel. Rendre compte d'un résultat d'une manière claire dans la communauté est presque aussi important que d'établir ce résultat au départ. Enseigner permet également de consolider ses connaissances, car tenter d'expliquer un concept à quelqu'un est la meilleure manière de se convaincre qu'on le maîtrise.
Deuxièmement, la thèse est un espace de liberté, de responsabilité, de confiance ; autant de valeurs qui suivront le docteur tout au long de sa carrière. On apprend à se débrouiller seul, car très peu de gens sont capables de comprendre le problème sur lequel on travaille et ces personnes ne sont pas toujours disponibles. Tout le monde travaille à son rythme, on apprend donc aussi à travailler de façon asynchrone en communiquant son avancement, ce qui permet de construire une relation de confiance avec ses collègues et encadrants. Enfin, on apprend à être responsable car dans l'académie, personne ne vient constater votre avancement au quotidien, personne ne compte vos heures, personne ne vous demande de rapport. Le doctorat est donc une excellente occasion de prendre en maturité et en responsabilité, ainsi que de faire l'expérience d'un cadre de travail sain que l'on pourra recréer dans le reste de sa carrière.
Troisièmement, j'ai effectué une thèse CIFRE, c'est-à-dire dans le cadre d'une collaboration entre un laboratoire et une entreprise. Cela m'a apporté un environnement mixte qui m'a permis de faire de la recherche tout en continuant d'être exposé au monde de l'entreprise. J'ai aussi pu découvrir quelques applications industrielles de mon domaine de recherche au sens large. Enfin, le cadre industriel offre des conditions matérielles appréciables dans un milieu qui peut parfois être précaire (salaire, déplacements, conférences, etc).
Qu’est-ce que la thèse vous a apporté ?
Après une thèse, on n'a plus peur de s'attaquer à de nouveaux sujets. En effet, personne n'a une connaissance parfaite de tous les sujets. L'important est de ne pas avoir honte de le reconnaître et d'être prêt à faire l'effort de se former aux concepts dont on attend une maîtrise de notre part.
Une autre compétence majeure du docteur est l'autonomie. Après plusieurs années passées à être bloqué sur des problèmes scientifiques et trouver des solutions pour les traiter ou les contourner, on est moins dépendant des autres professionnellement.
La thèse m'a permis de rencontrer beaucoup de personnes qui ont une éthique très forte. Cela m'a montré que l'informatique est un domaine avec suffisamment d'emplois pour nous permettre d'être sélectif et de travailler avec passion sur des projets dont on considère l'impact positif pour la société.
Enfin, la thèse m'a montré qu'il est parfaitement possible d'accorder une carrière et une vie personnelle toutes deux bien remplies, avec un réel cloisonnement entre ces deux mondes complémentaires pour une vie épanouie.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui ?
Après mon doctorat, je suis parti vivre à l'étranger. Je vis actuellement en Norvège et je travaille sur une base de données nationale dans une entreprise publique du secteur de l'électricité. J'ai pris un peu de distance avec le domaine de recherche dans lequel j'ai fait ma thèse pour me rapprocher de sujets plus concrets dans un autre contexte culturel. C'est une nouvelle expérience enrichissante qui me permet d'apporter une touche académique dans un milieu très industriel, après avoir traité mon sujet de recherche avec une approche plus industrielle pendant ma thèse.