Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview
Quel a été votre parcours vous ayant mené à faire une thèse ?
Mon parcours universitaire commence à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (devenue Sorbonne Université en 2018) que j’ai intégré en licence au sein du portail Maths, Informatique, Physique, Ingénierie (MIPI). Il s’agit d’une première année où les étudiants sont initiés à plusieurs disciplines scientifiques. À cette époque, l’informatique ne m’intéressait pas et je n’envisageais pas de faire une thèse de doctorat. À la suite de cette première année, je me suis engagé dans la licence d'Électronique, Énergie électrique, Automatique (EEA). Au cours de cette formation, j’ai développé beaucoup d’intérêt pour tout ce qui a trait à la conception des systèmes de calcul et donc pour l’informatique.
Après avoir obtenu ma licence, j’ai rejoint le parcours Systèmes Électronique et Systèmes Informatiques (SESI) du master d’Informatique, toujours à l’Université Pierre-et-Marie-Curie. Cette deuxième formation a joué un rôle déterminant dans ma décision de faire une thèse de doctorat. En effet, celle-ci était étroitement liée aux activités du Laboratoire d’Informatique de Paris 6 (LIP6) : une partie des cours était articulée autour des projets de recherche, les locaux étaient dans le laboratoire et une partie des ressources informatiques était rendue accessibles aux étudiants. Surtout, les enseignants étaient passionnés et accessibles. Les échanges avec eux m’ont permis de démystifier ce qui se cache derrière le mot « recherche ». Enfin, les projets faisant partie du cursus m’ont initié à la recherche.
Au cours de la première année du master, l’idée de faire une thèse a lentement germé. Durant l’été, j’ai pris le temps de réfléchir à ce projet et d’en parler à mon entourage. La décision n’était pas facile à prendre parce que je n’avais pas le désir de devenir enseignant-chercheur et j’entendais que le doctorat avait mauvaise presse dans l’industrie. De plus, je connaissais le monde de la recherche uniquement à travers une seule vision, celle acquise durant mon master. Enfin, réaliser une thèse est un projet qui me paraissait éprouvant et qui repousserait au minimum de trois ans la fin de mes études. J’ai conclu qu’à mon âge, 21 ans à l’époque, je ne devais pas me restreindre dans mes projets. J’ai décidé alors de faire un stage au CEA-LETI, un institut de recherche publique étroitement lié à l’industrie. Faire un stage dans ce centre me paraissait idéal, car il me permettrait de découvrir un nouvel environnement de recherche et de m’initier au monde industriel.
Mon stage s’est bien déroulé. J’ai apprécié l’autonomie qui m’était offerte par mes encadrants, apprendre beaucoup de nouvelles choses par moi-même et obtenir des résultats, les analyser et les critiquer. Cette expérience m’a convaincu de postuler à un sujet de thèse qui était proposé par le département du CEA où j’effectuais mon stage. Être membre du CEA m’a aidé à entrer en contact avec l’équipe encadrante. À ce moment, j’ai pris conscience que la recherche est un monde où le réseautage est indispensable pour exister. Enfin, pour renforcer ma candidature, qui devait encore être acceptée par le haut-commissaire à l’énergie atomique, j’ai contacté plusieurs professeurs de mon master pour obtenir des lettres de recommandation.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?
Après l’obtention de mon doctorat, j’ai intégré l’Imec. Il s’agit d’un des trois plus gros instituts de recherche publique en Europe dans le domaine de la micro-électronique et des nanotechnologies. J’y ai rejoint l’unité Compute System Architecture (CSA) en tant qu’ingénieur de recherche. Actuellement, je travaille sur la modélisation d’une architecture d’ordinateur dite zetta-scale, c’est-à-dire capable en théorie de calculer jusqu’à -10 puissance 21- opérations par seconde. Il s’agit d’un projet qui me passionne et qui pourrait permettre de rendre plus précis les modèles numériques utilisés par les chercheurs et les industriels. Rejoindre l’Imec était mon objectif principal parce que l’institut à une feuille de route ambitieuse, qu’il présente une culture internationale riche (ses collaborateurs proviennent de plus de 90 nationalités), et qu’il collabore avec les plus gros acteurs industriels du domaine à l’échelle mondiale.
Mon diplôme de docteur à joué un double rôle dans l’ascension au poste que j’occupe. Premièrement, parce que le doctorat est valorisé et reconnu internationalement. La grande majorité de mes collègues sont eux aussi docteurs. Deuxièmement, parce qu’à travers l’expérience doctorale, j’ai appris à oser entreprendre des projets ambitieux. Sans cette expérience, je n’aurais peut-être pas postulé à l’Imec. Au-delà de m’avoir permis d’obtenir un travail qui me satisfait, mon doctorat m’a permis d’acquérir une expertise dans mon domaine qui aurait été difficile à obtenir autrement en trois ans. J’ai beaucoup appris par moi-même, mais aussi auprès de chercheurs experts de leur domaine. J’ai également fortement développé mon esprit d’analyse, ce qui me permet aujourd’hui de comprendre des concepts complexes plus rapidement.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaiterait faire un doctorat ?
D’abord, il est important de développer son réseau le plus tôt possible. Dans ce sens, il faut apprendre à connaître ses enseignants. Ils sont des experts dans leur domaine. Échanger avec eux permet de découvrir leur vision, d’acquérir des informations sur les dessous de la recherche et les tendances industrielles. Il faut également se faire connaitre de ses enseignants. Ils bénéficient d’un réseau de chercheurs et d’acteurs industriels. Parler de son projet peut permettre d’être orienté vers un stage qui facilitera l’accès à un projet doctoral.
Enfin, je conseille aux étudiants de réfléchir longuement à l’idée de faire ou ne pas faire une thèse. Avant de s’engager en thèse, il est important de se renseigner sur le laboratoire d’accueil, l’équipe encadrante et le sujet en lui-même. Ces trois éléments joueront un rôle déterminant sur la réussite de leur projet, mais aussi sur leur quotidien pour plusieurs années. Je leur conseille, par exemple, de rentrer en contact avec d’anciens étudiants du directeur de thèse ou de l’encadrant pour obtenir un retour d’expérience.