Merci d'avoir accepté l'interview.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et pourquoi avez-vous décidé de faire une thèse ?
Très tôt dans mes études, j’avais en tête d’enseigner la physique-chimie. Pour me laisser le choix, j’ai d’abord tenté un passage en classes préparatoires avant de me rediriger vers une licence physique-chimie à l’Université de Poitiers. Pour me relever de cette période difficile, et déterminé à trouver ma voie, j’ai participé à un module d’introduction à l’enseignement et fait un stage en école qui m’a convaincu que je ne souhaitais pas enseigner dans le primaire ou le secondaire. Après m’être renseigné sur le métier d’enseignant-chercheur, il m’est très vite apparu évident que je voulais devenir Maître de Conférences.
Cependant, je me suis toujours refusé à choisir entre physique et chimie, c’est pourquoi j’ai terminé ma licence bidisciplinaire et entrepris un master physique-chimie mention sciences de la matière dans la même université. Au cours de ce parcours orienté recherche et au travers de mes expériences de stage en instituts de physique (Institut Pprime) et de chimie (IC2MP), j’ai découvert les joies et les peines du milieu académique. Cette quête sans fin de création et de renforcement du savoir, c’est là ce qui a fini de me séduire et me déterminer à faire une thèse en milieux denses et matériaux pour devenir enseignant-chercheur.
Quelles sont les leçons que vous avez tiré de votre expérience de doctorat que vous souhaitez partager ?
Le doctorat est une aventure unique où le sujet, le doctorant, l’encadrement, l’environnement du laboratoire ou celui de la faculté sont autant de facteurs qui peuvent influencer son déroulé. C’est un travail personnel sur la science, mais aussi sur notre relation avec les autres, et avec nous-même que je verrais volontiers comme une sorte de bataille sur plusieurs fronts qu’il faut mener au bout.
Un front face au challenges que représentent les verrous scientifiques et défis techniques auxquels on s’attaque. Un front face aux autres, car un laboratoire est un espace commun et humain, où une maladresse peut avoir un coût financier, relationnel ou émotionnel important. Et enfin un front face à soi-même, car dans le cadre d’un exercice académique chronométré, il est aisé de se laisser aller à des comparaisons avec les autres, ou encore à se décourager face aux difficultés de notre quotidien de chercheur et en dehors, d’humain.
Cependant, c’est également une quête palpitante, remplie de surprises et de satisfactions uniques, et sur le chemin de laquelle on rencontre souvent des soutiens de taille pour notre aventure.
Après votre thèse, quel a été votre parcours ?
Peu avant la fin de ma thèse, j’ai été recruté comme postdoc à Berlin. J’ai ainsi quitté l’Université de Poitiers après 8 ans d’études pour rejoindre le groupe d’une jeune chercheuse, Michelle Browne. Cette expérience a été une grande chance pour moi car, en tant que son premier employé j’ai assisté à la naissance d’un groupe de recherche au sein d’un institut d’excellence... Nous sommes rapidement devenus une petite famille et ça a été une expérience inoubliable pour moi qui m’a vite inspiré pour devenir chef de mon propre groupe de recherche. Pour cela, il faut décrocher une bourse prestigieuse (ERC ou fondation privée) et il fallait ainsi que je renforce mon CV, c’est-à-dire que je publie en tant que postdoc ou à un poste permanent assez indépendant. Cependant j’ai assez vite réalisé que les perspectives de poste permanent dans le milieu académique allemand à mon âge étaient assez réduites, et après un échec à étendre la durée de mon postdoc au sein du groupe de Michelle, j’ai décidé de candidater à un poste de Maître de Conférences en France.
Depuis septembre 2024 et comme je l’imaginais 10 ans plus tôt, j’enseigne en tant que Maître de Conférences à l’Université Sorbonne Paris-Nord. En parallèle, je candidate à diverses bourses pour créer mon équipe de recherche au sein du Laboratoire des Sciences des Procédés et des Matériaux.
Avez-vous des conseils pour une personne qui hésiterait à se lancer dans une thèse ?
Lancez-vous. Mener un projet de 3 ans de recherche à son terme est un achèvement non-négligeable : la thèse ne peut que vous ouvrir des portes, surtout à l’international où les industriels apprécient les docteurs - et c’est un argument de plus en plus apprécié en France. Au delà des postes de chercheurs, de nombreuses entités recherchent des profils bac+8 pour être pilotes/accompagnateurs de projets de recherche à grande échelle ou encore conseillers pour la rédaction de projets.
Lancez-vous, mais pas aveuglément bien sûr : d’abord, identifiez des thématiques qui vous passionnent ; ensuite, renseignez-vous sur le laboratoire/l’équipe d’accueil auprès d’anciens et discutez avec vos potentiels encadrants, ou si possible faites un stage pour vous assurer que la recherche et l’environnement vous plaisent ; enfin, prenez votre décision. Pour se lancer dans la bataille, il faut mettre toutes les chances de votre côté : un bon environnement, et un sujet qui vous intéresse sont primordiaux pour votre aventure !