Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pouvez-vous retracer votre parcours et ce qui vous a poussé à poursuivre en thèse ?
Je suis passé par les classes préparatoires avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure d'Arts et Métiers en 2013. La formation d’ingénieur généraliste m’a permis de découvrir ce qui me passionnait vraiment : l’interaction matériau/procédé. Je m’imaginais donc devenir ingénieur méthode, sans que le doctorat ne me traverse jamais l’esprit.
La bascule s’est faite grâce à des stages de recherche dans le cadre du double-diplôme avec Institut de technologie de Karlsruhe. J’ai eu l’opportunité de les réaliser au sein des structures très particulières : un Institut de Recherche Technologique (IRT) français et un Institut Fraunhofer allemand. Il s’agit de centres de recherche en science appliquée, où industriels et académiques collaborent afin d’accélérer le transfert et la montée en maturité des technologies.
Les Allemands affichant leurs titres, j’ai vite remarqué que quasiment tout le monde était «Dr.-Ing.» (à minima), ou doctorant. Quelques mois avant la fin du projet, j’épluchais les offres d’emploi : « 10 ans d’expérience minimum ou jeune docteur ». Il était clair que le doctorat était un passage obligé pour espérer prétendre aux missions qui m’intéressaient. La thèse était également la meilleure manière de me former à cette future vie et de m’assurer que j’y aspirais vraiment.
Comment bien choisir son sujet de thèse ?
Je pense que la meilleure manière de choisir, c’est justement de ne pas trop se focaliser sur le sujet. La réalité des travaux de recherche est souvent éloignée de l’idée que l’on peut se faire de ce dernier. Le lien avec l’application qui nous motive est rarement direct. La désillusion guette. Il est donc essentiel de pouvoir se raccrocher à d’autres éléments.
Personnellement, le sujet que j’ai retenu était le plus éloigné de tout ce que je connaissais. Il était toutefois très ouvert, avec de nombreuses perspectives. C’était déroutant mais excitant à la fois. L’enthousiasme débordant de mes directeurs lors des entretiens était également rassurant. De plus, j’allais acquérir des compétences qui me servent encore aujourd’hui. Concernant le cadre, le laboratoire déménageait dans des locaux tout neufs !
En quoi consistait ta thèse ?
J’ai réalisé ma thèse au LEM3 à Metz, sous la direction d’Emmanuel Bouzy, Vincent Taupin , Benoît Beausir et Jean-Jacques Fundenberger… Ça fait beaucoup de monde ! Ils venaient de concevoir un détecteur « TKD on-axis » pour la microscopie électronique à balayage. Je l’ai utilisé pour caractériser des microstructures à des échelles 10x plus fines qu’avec un détecteur classique (EBSD). La précision de mesure a elle aussi été décuplée en post-traitant les données avec des techniques de recalage d’images numériques. Pour cela, je me suis inspiré de ce qui se faisait en imagerie médicale ou en mécanique expérimentale. Ces travaux ont débouché sur une méthode originale de microscope électronique dite « à haute résolution angulaire ». Nous l’avons implémentée dans le logiciel ATEX-software et appliquée à différents matériaux. Il y avait donc de la théorie, du numérique et de l’expérimental. On n’a pas vu le temps passer !
A-t-il été compliqué de concilier vie de recherche et vie personnelle ?
Autant le dire franchement, je n’ai pas compté mes heures. Je garde pourtant un très bon souvenir de ces années. Le rythme était soutenu, mais rien à voir avec la prépa. Nous organisions régulièrement des sorties entre doctorants, nous allions courir sur le temps du midi. L’université octroie également suffisamment de congés pour faire de vraies coupures. C’est plus la période Covid qui a pesé sur le moral.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?
Je suis ingénieur de recherche en fabrication additive métallique à l’IRT Saint Exupéry à Toulouse depuis 2022. C’est l’IRT dédié à la filière aéronautique-spatial-défense. On peut dire que je revenu à la source de mon goût pour la recherche.
Le doctorat m’est utile à plusieurs niveaux. Déjà, il me permet d’occuper ce poste. Les ingénieurs R&D des grands groupes avec lesquels nous interagissons sont docteurs également. Bien sûr, le titre ne fait pas tout.
Mes activités actuelles ont plusieurs similitudes avec le travail de thèse (états de l’art, présentation à des conférences, expériences…). Les défis à relever sont ambitieux. Il faut faire preuve d’endurance, de pugnacité et de créativité. La recherche, c’est aussi accepter de passer par des phases où l’on ne comprend rien. C’est tout sauf linéaire et c’est ça qu’on aime. Cela dit, il faut rester méthodique pour ne pas perdre de vue les objectifs et les délais. Avec l’expérience, j’appréhende tout cela avec plus de sérénité.
Enfin, j’insisterai sur le caractère complémentaire du doctorat et du cycle d’ingénieur. Ce sont deux solides points d’appui au quotidien. Outre le bagage technique, c’est une richesse culturelle précieuse lorsque l’on monte des activités de recherche incluant académiques et industriels. Il faut comprendre le fonctionnement de chacun pour concilier leurs échelles de temps et objectifs, qui sont souvent radicalement différents.