Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Peux-tu décrire le parcours qui t’a mené jusqu’au doctorat puis à l’enseignement ?
J’ai toujours eu un vif intérêt pour les sciences et dès le plus jeune âge, je m’investissais dans des missions de tutorat et d’aide aux devoirs. Cherchant toujours le sens concret derrière chaque enseignement, j'ai rapidement développé une passion pour la création, la construction et la résolution de problème. Un tournant décisif s'est produit lors d'un forum d'orientation lorsque j’étais en première scientifique, où j'ai croisé la route d'un extraordinaire enseignant de CPGE Philippe Sacquard. Cette rencontre m'a ouvert les portes d'une discipline répondant exactement à mes attentes : les sciences industrielles de l’ingénieur. Après deux enrichissantes années en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE PTSI-PT au Lycée Turgot à Limoges), j'ai intégré l'École Normale Supérieure (ENS de Cachan) où j’ai aussi préparé l’agrégation pour devenir enseignante.
Bien que partagée lors de mon choix d’école avec l’idée d’intégrer les Arts et Métiers, j'ai saisi l'opportunité de fusionner ces deux voies en poursuivant mes études avec un Master 2 recherche au sein des Arts et Métiers dans le cadre d’un partenariat avec l’ENS. Coté recherche, à l'ENS, j'ai eu la chance d'être guidée dès mon Master 1 par un enseignant passionné, Stéphane Pattofatto du LMT (Laboratoire de mécanique et technologie), qui m'a initiée à la biomécanique.
Sous son influence, j'ai naturellement exploré la recherche dans ce domaine en m'envolant pour l'Afrique du Sud pendant 6 mois au cours de mon stage de Master 1. Cette expérience a profondément marqué ma vie, tant sur le plan personnel que professionnel. De retour en France, je ressentais le besoin de pousser plus loin mes recherches. C'est ainsi que j'ai poursuivi mes travaux dans le cadre de mon stage de Master 2 recherche aux Arts et Métiers. Par la suite, j'ai sollicité et obtenu une bourse de doctorat avec mes encadrants de Master 2, Sébastien Laporte et Dominique Saletti de l'Institut de Biomécanique Humaine Georges Charpak (IBHGC).
Comment bien choisir son équipe encadrante et son sujet ?
En ce qui concerne le sujet de mes recherches, il n'a pas vraiment été choisi parmi plusieurs propositions de laboratoires, mais s'est progressivement précisé au fil du temps à l’aide de mes encadrants de Master 2 qui avaient le recul et l’expérience nécessaire. Mon travail de recherche s'est concentré sur l'étude du comportement de l'os spongieux (la partie intérieure de l'os), sous différentes vitesses de sollicitation (de la chute à faible vitesse à l’accident de voiture).
Quant au choix de mon équipe encadrante, dès mon Master 2, j'ai ressenti une excellente collaboration avec eux. Ils m'ont toujours apporté leur soutien, acceptant un café lorsqu’ils savaient pertinemment j'avais plus besoin d'aide que d'une pause. Ils ont toujours été là pour partager les bons moments mais aussi les déceptions. Ils ont su me recadrer lorsque mes idées s'éparpillaient, tout en me laissant une immense liberté dans mes recherches. C’est donc naturellement que le projet s’est monté, en entière confiance avec eux.
Et l’international dans tout ça ?
J'ai maintenu le contact avec l'équipe sud-africaine de mon premier séjour en Master 1 composée de Trevor Cloete et Gerald Nurick. Cette connexion m'a permis d'approfondir mes recherches sur place, à l'Université du Cap au laboratoire BISRU (Blast Impact and Research Unit), lors d'un second voyage durant ma thèse. Par la suite, j'ai eu l'opportunité de suivre via des visioconférences, des étudiants sud-africains en master qui poursuivaient sur la même thématique que nos travaux de recherche, ainsi que de co-encadrer un post-doctorant français Guillaume Dubois (aussi de l’école doctorale SPI !).
Tous ensembles, nous avons pu participer à l’élaboration d’un projet de collaboration internationale entre les deux pays et les deux laboratoires, avec le soutien financier des ministères, permettant ainsi des échanges de chercheurs. Le dernier échange important datant de 2023 avec la venue d’un professeur sud-africain en France pour quelques mois.
Quel est ton poste actuel ?
Aujourd'hui, je suis enseignante de sciences industrielles de l’ingénieur en classes préparatoires aux grandes écoles dans le bassin niçois. Cependant, je n'ai pas abandonné la recherche pour autant, car je continue d'encadrer un doctorant. Je parviens ainsi à concilier mes deux passions.
Tu as évolué dans un milieu qu’on pourrait qualifier comme étant plutôt "masculin" . Cela n’a pas été difficile ?
Ma mère, évoluant dans le domaine technique, naviguait déjà au sein d'un environnement professionnel majoritairement masculin, ce qui m'a habituée à cette dynamique. Bien que cela ne m'ait jamais vraiment dérangée, je reconnais qu'il y a eu des moments délicats. Cependant, il est important de noter qu’ils ont été plutôt rares et se comptent sur les doigts d’une main. La plupart du temps, je ne me suis pas sentie différente ou comme si je devais prouver que je méritais ma place, que ce soit en France ou à l’étranger. Cependant, en tant que maman d'une petite fille de 5 ans, je suis particulièrement sensible à ce sujet. C'est pourquoi mon conjoint, Etienne Cullaz et moi-même nous impliquons activement dans la vulgarisation des STEM afin de promouvoir une formation académique plus inclusive et de prévenir l'autocensure des jeunes filles dans les carrières scientifiques.
Qu’est-ce que la thèse t’a apporté ?
La thèse m'a apporté une multitude de belles rencontres professionnelles et personnelles. C'est toujours un plaisir de retrouver mes amis sud-africains en visite ou de voir les familles de mes collègues doctorants et encadrants grandir. De plus, cette expérience de recherche a été surement été précieuse lors de ma nomination en tant qu'enseignante en classes préparatoires aux grandes écoles. Elle me permet au quotidien d'encadrer mes étudiants dans leurs mini-projets de recherche et de leur présenter les possibilités de poursuite académique dans ce domaine.
Marianne Prot