Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pourquoi avoir choisi de faire une thèse après l’école d’ingénieur ?
Après le lycée, j’ai intégré l’ENIB, une école d’ingénieurs généraliste à Brest, avec l’objectif de
me spécialiser en robotique. Je souhaitais travailler dans la R&D, idéalement dans le domaine
de la robotique médicale ou de l’assistance à la personne. Cependant, cette spécialité n’étant
pas proposée à l’ENIB, j’ai par la suite postulé et été accepté en master à Strasbourg, pour un
M2 en robotique et imagerie médicale. À ce point, le plan était de trouver un poste en R&D à la suite de cette formation.
Cette même année, j’ai effectué un stage de recherche au laboratoire ICube à Strasbourg, sur
la commande d’endoscopes flexibles. Mes encadrants m’ont proposé de poursuivre en thèse et, malgré mon idée initiale de ne pas m’orienter vers l’enseignement-recherche, j’ai accepté, motivé par un véritable coup de cœur pour le sujet qui m’avait déjà passionné pendant six mois.
Avec le recul, je réalise que mon raisonnement de départ qui m’avait poussé à ne pas considérer une thèse était un peu biaisé, car les débouchés après une thèse sont très variés. Aujourd’hui, je ne regrette absolument pas mon choix !
En quoi consiste votre thèse en quelques mots ?
Ma thèse a porté sur l’amélioration de la précision de la chirurgie mini-invasive robotisée, notamment en endoscopie flexible. J’ai développé des solutions pour adapter en temps réel les modèles du robot au contexte opératoire, ce qui est nécessaire compte tenu de la complexité de l’environnement et des limitations des capteurs. Mes travaux ont principalement porté sur :
● L’apprentissage des modèles de transmissions à câbles des endoscopes flexibles pour compenser les jeux mécaniques.
● L’apprentissage et la correction de tâches robotiques à partir des actions réalisées par le ou la chirurgienne, couplés à un guidage haptique (forces appliquées sur la main du chirurgien) pour assister le geste.
Il s’agit donc d’une thèse à la fois théorique, axée sur la commande et l’optimisation mathématique, et expérimentale, avec nombreux développements sur robot et des études avec
des participants pour la partie guidage haptique.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?
Je suis ingénieur en logiciel robotique chez Sherpa Mobile Robotics, une entreprise de robotique à Haguenau (Alsace) spécialisée dans l’automatisation des flux intra-logistiques, notamment le transfert de palettes ou de caisses dans des usines. Je suis responsable du développement de nouvelles briques logicielles pour commander les robots et gérer la communication avec le gestionnaire de flotte.
Bien que l’endoscopie robotisée et la robotique mobile puissent sembler éloignées, les outils mathématiques et techniques que j’utilisais pendant ma thèse sont directement applicables dans mon poste actuel. De plus, les compétences transversales acquises, notamment l’expérience en enseignement et en vulgarisation scientifique, sont très utiles pour communiquer efficacement et expliquer des concepts à différents interlocuteurs, ayant des niveaux de compréhension variés.
La thèse m’a aussi permis d’acquérir des méthodes d’analyse de problèmes (et de solutions) qui sont devenues automatiques et routinières. Cette rigueur, développée grâce à la recherche,
est un atout précieux dans les projets R&D. Je pense qu’il aurait été difficile d’acquérir cette expertise en entreprise, où les délais sont souvent plus courts. Avoir du temps lors du doctorat pour explorer différentes approches méthodologiques, les adapter, se les approprier et les pratiquer quotidiennement est une chance inestimable.
Comment se préparer lors de sa thèse à la vie professionnelle en entreprise ?
J’ai beaucoup réfléchi à cette question lors de ma dernière année de thèse et de mon postdoctorat : comment préparer au mieux une transition vers le monde industriel ? Un bon profil pour postuler à un postdoctorat ou maitre de conférences ne l’est pas toujours pour postuler à un emploi en entreprise. Notamment, valoriser les publications scientifiques ou les compétences liées à l’enseignement, bien que très utiles, n’est pas toujours évident suivant l’industrie. Si on sait que l’on ne va pas rester dans l’académique, ou simplement incertain, investir dans son attractivité future en dehors de l’université est important. Je ne peux pas généraliser, mais, dans le domaine de la robotique et de l’informatique, certaines pistes ont été fructueuses pour moi et certaines connaissances ayant des profils similaires :
● Se rapprocher des pratiques standards de l’industrie visée : même si cela n’est pas
toujours nécessaire dans le monde académique, cela peut s’avérer très utile à long terme. Par exemple, pour ceux qui développent du code, mettre en place des tests et des déploiements automatisés pour tous les projets de recherche.
●Participer à des événements type « meetup » : cela permet de rencontrer des professionnels en dehors du cercle académique.
● S’impliquer dans des projets proches de l’industrie : pendant la dernière année de
thèse ou lors d’un postdoctorat, cela permet de développer des compétences complémentaires et de faciliter la première embauche. S’investir le plus possible dans la communauté du logiciel open sourrce et participer à différents projets peut être une excellente manière de le faire.