Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pourriez-vous présenter votre parcours et ce qui vous a conduit à faire une thèse ?
Je suis rentré à Supaéro après deux ans de prépa, au cours desquels j’ai réalisé que le métier de pilote de ligne auquel je me destinais n’était peut être pas la sinécure que je m’étais imaginé. Mon intérêt pour l’espace qui existait déjà a alors pris le pas et m’a convaincu de viser une carrière d’ingénieur dans le spatial. Après deux années à Supaéro, je suis parti en double diplôme de Master of Science aux USA en 2013. Le spatial était au cœur de mes intérêts de l’époque, mais c’est un vaste domaine et je n’avais alors pas mis le Guidage, la Navigation et le Contrôle (GNC) des satellites au centre de mon cursus académique. Mais mon appétence pour les mathématiques appliquées inhérentes à cette discipline m’y ont conduit peu à peu. C’est là le jalon qui m’a décidé à candidater à un programme de doctorat aux USA : je ne me sentais tout simplement pas assez légitime techniquement pour débuter une carrière d’ingénieur GNC en étant fraîchement diplômé de Supaero. Le fait de candidater aux USA et non en France se voulait le prolongement de mon expérience d’étudiant expatrié, que je ne voulais pas voir se terminer sur l’expérience frustrante du MSc au cours duquel j’étais finalement resté assez loin du domaine dans lequel je voulais faire carrière. Je suis finalement rentré en PhD à l’université du Colorado Boulder en 2015, pour travailler sur divers sujets en lien avec les missions d’exploration à destination des petits corps du système solaire. Ma thèse portait spécifiquement sur la cartographie et la navigation autour de petits corps - astéroïdes et comètes - en présence d’incertitude. Ces travaux bénéficient désormais aux ingénieur.es et aux scientifiques travaillant sur ces aspects, en fournissant notamment des méthodes mathématiques permettant de lier l’incertitude dans la forme de ces objets avec l’erreur résultante dans le calcul des forces de gravité qu’ils exercent, et dans la performance de navigation d’un satellite en orbite autour de ces objets, et dont le sous-système GNC ne peut s’appuyer sur une connaissance parfaite de leur surface ou de leur champ de gravité.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et comment votre doctorat vous sert-il au quotidien ?
Je suis le responsable du service GNC à U-Space, une PME qui conçoit et construit des nanosatellites de haute technologie. Mon travail consiste en une double casquette technique et managériale au sein de l’entreprise: je suis tout d’abord chargé de l’élaboration de la roadmap technique du métier GNC au sein de U-Space. Cette roadmap consiste en l’identification des axes de développement qui nous permettent de fournir une réponse technique performante et validée aux besoins missions déclinables vers le GNC et émanant de nos clients ou de notre équipe commerciale. Le cœur de cette approche est la définition d’un catalogue ‘métier’ GNC décrivant les briques technologiques GNC prennant place au sein du ‘produit’ satellite, qui vient agréger le patrimoine technique de tous les métiers U-Space de manière cohérente. Le deuxième pilier de mon travail consiste à structurer, animer et manager le service GNC de U-Space qui comporte 4 personnes à l’heure actuelle : c’est mon rôle que de fournir les conditions permettant aux ingénieur.es du service de réaliser leur travail, et de leur fournir le cap vers lequel notre travail collectif doit porter.
L’expérience conférée par le doctorat m’a fourni un solide socle de connaissances nécessaires à la mise en œuvre du mandat technique de responsable GNC, en me permettant notamment d’appliquer le bon niveau d’abstraction aux situations auxquelles je fais face au quotidien. C’est aussi grâce au doctorat que je peux naviguer l’état de l’art de ma discipline, sans nécessairement tout comprendre et absorber 100% d’un article scientifique à la première lecture. Mais cette expérience de la recherche a considérablement développé mon esprit de synthèse qui est une ressource stratégique en situation de travail chargé ! Enfin, je dirais que l’assise technique conférée par le doctorat dont j’ai fait état me permet aussi d’être une ressource et un support pour les collaborateurs du service GNC et pour U-Space, ce qui tend à me conforter dans le rôle de responsable du service. Il convient néanmoins de séparer la compétence technique nécessaire à l’exercice de mon mandat technique et celle me permettant de manager un groupe de personnes : il est néanmoins clair que l’une se nourrit de l’autre.
Quels sont les conseils que vous donneriez à un étudiant / une étudiante souhaitant se lancer dans une thèse ?
Plusieurs choses me viennent à l’esprit : tout d’abord, il faut bannir l’autocensure lorsque vient le moment de candidater à un programme de doctorat. L’expérience des USA m’a montré que les candidatures spontanées, les visites sur les campus pour juger de la qualité de vie locale ainsi que de l’ambiance de travail dans le laboratoire sont la norme plutôt que l’exception. C’est cet investissement personnel dans la procédure de candidature qui vous permettra de provoquer votre chance et d’arriver dans un groupe de recherche à l’atmosphère saine, avec un directeur ou une directrice de thèse que vous aurez choisi et non pas subi.
Mon deuxième conseil est le suivant : le ‘prestige’ qui auréole certaines universités (qu’elles soient américaines ou française) ou certains laboratoires de recherche ne doit pas être un leurre : ce qui compte doit seulement être l’adéquation entre vos valeurs, vos intérêts de recherche et ce que le laboratoire que vous avez identifié propose. Quand bien même faire un doctorat dans une université ‘prestigieuse’ comme le MIT ou Stanford ou Boulder fait rêver, ce rêve va occuper 4 ans de votre vie, et il convient de s’assurer qu’il ne bascule pas dans un cauchemar du fait d’une concurrence malsaine dans le labo ou au sein du département qui l'accueille. Une université ou un labo de prestige “moindre” mais où exercent des individus respectueux et humains aura bien plus d’impact positif dans votre épanouissement personnel et intellectuel qu’une expérience aliénante et stressante.
Découvrez U-Space, une entreprise qui ambitionne de devenir leader européen sur les constellations de nanosatellites.
Portrait d'entreprise qui emploie des PhD, publié sur ce Blog.