![Antony DALMIERE](https://static.wixstatic.com/media/69d215_b4b46147a50c4d3d8fda6cb614e0a133~mv2.jpg/v1/fill/w_348,h_348,al_c,q_80,enc_auto/69d215_b4b46147a50c4d3d8fda6cb614e0a133~mv2.jpg)
Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Comment avez-vous découvert cet intérêt pour la recherche, et plus particulièrement pour l'ingénierie sociale ?
Mon parcours en ingénierie à l'ENSEEIHT m'a apporté méthode, résolution de problèmes et expertise technique en cybersécurité. En parallèle, ma licence en psychologie sociale a éveillé ma curiosité pour les comportements humains, la persuasion et les biais cognitifs. Ces deux domaines, d'abord distincts, ont trouvé un sens commun face aux défis de la cybersécurité.
L'étincelle a été la prise de conscience que la faille en cybersécurité est souvent humaine, plus que technique. Le phishing, par exemple, repose sur la manipulation psychologique. Mes connaissances en psychologie sociale ont alors révélé leur pertinence. J'ai entrevu l'ingénierie sociale, combinant persuasion, manipulation et cybersécurité, comme un champ de recherche fascinant. La recherche est apparue comme le terrain idéal pour explorer cette intersection, comprendre les mécanismes à l'œuvre et innover à la croisée de ces disciplines.
Qu'est-ce qui vous a motivé précisément à entreprendre une thèse après un parcours pluridisciplinaire, plutôt que de vous diriger vers l'industrie directement ?
Après mon cursus d'ingénieur qui proposait un double diplôme en cybersécurité, couplé à ma licence en psychologie, l'industrie était la voie par défaut. Pourtant, j'ai vite ressenti une frustration lors d'échanges avec des recruteurs. Un profil pluridisciplinaire semblait mal compris, parfois perçu comme "bizarre", avec peu de reconnaissance pour mes compétences en psychologie sociale. On attendait de moi une expertise unique en informatique ou cybersécurité, sans embrasser l'ensemble de mes compétences. Si cette spécialisation est logique, le manque d'ouverture sur la richesse d'un double profil peut limiter les opportunités pour certains candidats.
La recherche est alors apparue comme une évidence. Elle offrait une liberté d'exploration séduisante, un espace où l'interdisciplinarité devenait un atout. Créer mon propre chemin, explorer des sujets hybrides, sans me limiter à une seule expertise, était profondément motivant. J'avais l'intuition que la recherche me permettrait de m'épanouir en combinant et enrichissant mes diverses compétences, ce qui semblait moins réalisable dans l'industrie classique. La thèse s'est donc imposée comme le choix naturel.
Pourriez-vous nous présenter un projet marquant de votre thèse où vous avez concrètement combiné la psychologie sociale et la cybersécurité ?
Absolument. Le cœur de ma thèse est de développer des méthodes innovantes pour détecter et prévenir les attaques d'ingénierie sociale, notamment le phishing. L'approche classique du phishing en cybersécurité se concentre sur la technique : URL, mots-clés, en-têtes d'emails. Or, l'efficacité du phishing repose sur la manipulation humaine, jouant sur nos biais, émotions, automatismes.
J'ai donc intégré une analyse psychologique à cette menace. L'idée est de repérer les tactiques de manipulation dans les emails : urgence, peur, autorité, persuasion subtile etc. Pour cela, j'utilise les théories de la psychologie sociale sur la persuasion et les biais cognitifs. En combinant ces connaissances avec la cybersécurité, on développe des outils de détection plus performants et adaptés aux attaques d'ingénierie sociale. De plus, la thèse m'a permis de m’autoformer en IA, spécialement les Larges Language Models, pour automatiser cette analyse psychologique et technique des emails suspects.
Au-delà du sujet lui-même, l'environnement de thèse – l'équipe, le laboratoire, l'encadrant – joue un rôle crucial dans le bon déroulement du doctorat. Avec le recul, quels sont les éléments concrets que vous conseilleriez à un étudiant de vérifier ou de questionner lorsqu'il choisit son laboratoire et son directeur de thèse ?
Un aspect très concret, surtout en technique : regarder les moyens. En informatique/cybersécurité, des infrastructures performantes sont un vrai plus. Serveurs efficaces, outils récents, c'est un confort quotidien. C'est comme visiter un logement : cuisine équipée, salle de bain fonctionnelle. C'est un signe de l'attention au travail des chercheurs. Ne pas hésiter à se renseigner et visiter les lieux.
L'ambiance générale, l'esprit d'équipe, est aussi essentiel. Avoir des échanges informels à la pause-café, c’est important.
Bien sûr, la relation au directeur de thèse est clé. Collaboration de plusieurs années, elle doit être basée sur confiance et respect. Chaque directeur et doctorant a son style. L'idéal est la compatibilité. Certains préfèrent un encadrement structuré, d'autres l'autonomie. Il faut que le courant passe, se sentir à l'aise pour échanger et douter. Prendre le temps de discuter avec le directeur potentiel est un investissement utile.