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Antoine BRIENTIN : De la fibre optique à l’hydrogène


Antoine BRIENTIN
Antoine BRIENTIN

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.

 

Pourriez-vous présenter votre parcours ?

Mon parcours dans l’enseignement supérieur a commencé par un diplôme d’ingénieur, donc hors du cycle universitaire licence-master-doctorat. J’ai ensuite réalisé ma thèse à l’Université de Nantes, au sein de l’Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique (GeM, UMR CNRS 6183). Mes travaux de thèse portaient sur les capteurs à fibre optique, particulièrement sur la compréhension des phénomènes optiques se produisant à l’interface entre l’extrémité d’une fibre optique et le milieu dans lequel elle est plongée, pour remonter à diverses informations sur ce milieu à partir des propriétés de la lumière se propageant dans la fibre. L’objectif était de comprendre comment se comportaient des fibres optiques aux caractéristiques particulières (à maintien de polarisation ou multimodes par exemple), pour élargir les possibilités d’applications d’un type de capteur.

 

Pourquoi avez-vous décidé d’effectuer une thèse ?

J’ai découvert le monde de la recherche académique durant mon Erasmus en Angleterre, à l’Université d’Exeter, où j’ai par exemple travaillé sur les capacités d’absorption de composés volatiles par certains matériaux. J’ai tout de suite apprécié l’aspect bibliographique : la richesse, la qualité et la quantité de la littérature scientifique disponible est une source presque infinie de connaissances, qui fait appel à la curiosité du lecteur et à son esprit critique pour identifier les informations pertinentes. J’ai également été attiré par la méthodologie à mettre en œuvre : étudier à partir de l’existant si tel phénomène est utilisable, telle méthode est applicable, élaborer des hypothèses et les tester. Cela fait appel à ses capacités d’analyse pour comprendre pourquoi quelque chose n’a pas marché, à son imagination pour proposer des modifications, des améliorations. Réaliser un doctorat m’est apparu comme l’opportunité d’approfondir mes connaissances scientifiques et de développer une expertise dans un domaine de recherche, chose qui me paraissait indispensable à l’issue de ma formation généraliste. Une thèse, cela montre aussi sa capacité à mener un projet de recherche en autonomie et à mettre en œuvre une démarche scientifique sur une longue durée.

 

Qu’avez-vous apprécié au cours de votre thèse ?

À la fois la mise en œuvre de toute la démarche scientifique, et la montée en compétence durant ces trois ans. Il y a aussi une sorte de plongée dans l’inconnu que je trouve fascinante : à partir d’une petite intuition, on se dit « Peut-être que faire ça pourrait marcher ? », et on se lance dans l’exploration d’une idée, parfois sans réellement savoir où cela va nous mener. Lire des articles, griffonner quelques équations sur une feuille, écrire un bout de code pour simuler quelque chose, passer des heures à faire des expériences, il y a énormément de possibilités pour atteindre son objectif. Parfois, cela ne mène à rien, voir à des résultats qui montrent que quelque n’est pas possible. Bien que cela soit des résultats, il faut admettre que cela peut être quelque peu démotivant et amener à se remettre en question. Mais cela peut aussi mener à de belles surprises ! Faire une thèse, c’est à mon sens avoir un objectif global, et à nous de trouver les voies à explorer, les solutions possibles. J’ai eu la chance d’avoir été assez libre sur le choix de certains axes de recherche, et d’avoir un encadrement qui me faisait confiance pour obtenir des résultats : j’ai ainsi pu proposer d’étudier des aspects qui n’avaient pas été envisagés, et passer du temps sur la résolution de ces nouvelles problématiques. Cela m’a permis de développer mes connaissances dans des domaines que je ne connaissais pas.

 

Quels conseils donnerais-tu à un futur doctorant, ou quelqu’un qui vient de commencer sa thèse ?

Avant de se lancer, il est important de prendre le temps de s’assurer que le sujet et les perspectives de travail envisagées par l’encadrement correspondent à ce que l’on aime faire. Bien sûr, une thèse comporte presque toujours différents aspects (théorie, calcul analytique, modélisation numérique, travail expérimental) mais par exemple dans mon cas, il n’était pas judicieux de m’engager dans une thèse purement calculatoire où il était clair que la quasi-totalité du temps serait dédiée au calcul analytique et à la résolution d’équations différentielles, alors que je préfère passer du temps dans un laboratoire à faire des expériences, analyser des résultats et modéliser un phénomène physique. Je déconseille aussi d’aller faire une thèse dans un domaine qui ne nous attire pas, car il faut garder à l’esprit que la thèse est un projet d’une durée de trois ans : travailler dans une thématique qui nous plait, sur des aspects où l’on se sent prêt à passer du temps, est pour moi indispensable pour maintenir sa motivation sur une longue période, mais aussi pour une progression efficace.

 

Durant sa thèse, il ne faut pas hésiter à être curieux, à discuter avec d’autres doctorants et encadrants, même si le sujet n’a rien à voir avec ses propres travaux de thèse. Les échanges scientifiques pluridisciplinaires sont d’une grande richesse, et un regard neuf sur son travail peut parfois amener des perspectives ou des solutions inattendues. Anecdote personnelle, on peut ainsi s’apercevoir que la méthode mise en œuvre par son voisin de bureau pour résoudre un problème en lien avec la gestion de réseaux électriques, peut tout à fait s’appliquer à sa propre thèse pour la résolution d’un problème inverse de diffusion de la lumière par des particules ! Il est donc également important de faire preuve d’initiative, que cela soit pour pousser plus loin un travail qui nous a été demandé par l’encadrement, que pour essayer quelque chose de nouveau. Si l’encadrement de thèse est là pour guider et conseiller le doctorant, notamment au début de la thèse, l’une des attentes est aussi de démontrer son aptitude à mener un projet de recherche en autonomie.

 

Quel poste occupez-vous aujourd’hui ?

Je travaille au Cetim (Centre Technique des Industries Mécaniques), au sein du pôle « Fluid and Sealing Technologies », spécialisé dans toutes les problématiques qui tournent autour de l’étanchéité, de la résistance au vide ou à la pression de composants industriels. Ces derniers peuvent aller de la boite de conserve au conteneur de combustible nucléaire, en passant par les coffres-forts, les réservoirs cryogéniques de carburants, vannes et autres composants en tout genre. C’est un domaine extrêmement vaste, qui n’a a priori pas grand-chose à voir avec les fibres optiques de ma thèse. Mon travail est très varié, et consiste globalement à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour répondre aux problématiques des industriels : j’interviens dès la phase d’avant-projet, où je dois définir les moyens à mettre en œuvre, puis sur toute la partie technique jusqu’à la clôture du projet. Cela peut ainsi comprendre la définition, la conception et la mise en œuvre de bancs d’essais, la réalisation de campagnes expérimentales, de la bibliographie, un travail sur des modèles et outils numériques pour la modélisation des phénomènes physiques, l’analyse des résultats expérimentaux et la résolution de problèmes inverses. Avec le développement des activités autour de l’hydrogène, je travaille notamment sur la mise en œuvre d’essais utilisant ce gaz, avec toutes les problématiques liées à l’hydrogène : étude des risques liés aux atmosphères explosives, ingénierie des bancs de test répondant aux contraintes ATEX, procédures de sécurité, réalisation des essais.

 

Quels connaissances ou capacités développées durant votre doctorat utilisez-vous dans votre travail ?

En ce moment, mes travaux de recherche sont orientés autour de deux sujets. Le premier est l’identification de paramètres matériaux à l’aide d’algorithmes d’optimisation comme ceux utilisés durant ma thèse. Le deuxième est la caractérisation de capteurs à fibre optique en environnement hydrogène, ce qui fait appel aux compétences expérimentales développées en thèse. Mon doctorat apporte ainsi une véritable plus-value dans ce second axe de travail.

 

Quelle est la place à donner à la recherche académique et au doctorat en France ?

Le doctorat occupe un rôle essentiel dans le cadre universitaire français, avec une contribution non négligeable aux publications scientifiques des laboratoires. Il permet de disposer d’un diplôme reconnu internationalement, d'une expertise scientifique dans un domaine de recherche, d’avoir un regard critique sur des informations de pointe ou de valoriser les savoirs et connaissances nouvelles. Il est donc important de travailler sur la place et la reconnaissance du doctorat en France, notamment pour mieux valoriser les compétences développées auprès des acteurs industriels, où il peut encore exister des doutes sur l’adéquation entre un docteur et l’environnement industriel. La thèse constitue une expérience professionnelle à part entière, et même si les compétences spécifiques au sujet de thèse ne sont pas forcément transposables dans un poste industriel auquel on postule, ce qui était par exemple mon cas, il faut mettre en avant les compétences scientifiques transverses dont on dispose et qui sont démontrées par l’accomplissement d’une thèse.

 

Le domaine de la recherche est pour moi extrêmement important, contribuant à la fois à l’excellence et à la renommée scientifique, mais aussi à la compétitivité et la reconnaissance des entreprises qui peuvent profiter des avancées réalisées dans les laboratoires. Il me parait donc crucial de continuer à investir dans la recherche et de développer cette filière, afin de maintenir un haut niveau de connaissances en France ainsi qu’une attractivité à l’international. La recherche appliquée, en lien direct avec les besoins industriels, et la recherche fondamentale, sont essentielles pour la compréhension de notre monde et pour répondre aux nombreuses problématiques actuelles, qu’elles soient scientifiques, écologiques, énergétiques, médicales ou autres.


 

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