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Photo du rédacteurAdrian BOJKO

Adrian BOJKO, PhD, Ingénieur et Chercheur en Computer Vision chez Technology Innovation Institute.


Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Pourriez-vous présenter votre parcours et pourquoi avez-vous décidé de faire une thèse ?


Après des Classes Préparatoires aux Grandes écoles au lycée Louis Le Grand (MPSI / PSI*), j’ai intégré en 2013 l’École Centrale Paris – qui est aujourd’hui CentraleSupélec. Mes deux premières années à Centrale furent généralistes, avec une emphase sur la mécanique et l’entreprenariat. Je fais alors en 3e année (2015-2016) un double-diplôme aux Etats-Unis, à la University of Michigan, Ann Arbor. J’y ai effectué un Master of Science in Mechanical Engineering, avec un focus sur la Robotique, mécatronique, ainsi que la Vision par Ordinateur. J’y ai également découvert le SLAM (Simultaneous Localization and Mapping – Cartographie et Localisation Simultanées), qui deviendra ultérieurement mon sujet de thèse. À la suite de mon Master aux US, je suis revenu en France pour faire mon stage de fin d’études au CEA à Marcoule (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives), où j’ai travaillé sur des sujets de robotique autonome dans le cadre du démantèlement de centrales nucléaires jusqu’à la fin 2016.


À ce moment-là, l’idée de faire une thèse était déjà présente mais peu développée : le sujet et les motivations n’étaient pas encore définis, c’est pourquoi j’ai décidé de me lancer dans le monde professionnel. Je suis allé au CEA Saclay pour travailler sur des sujets de vision par ordinateur et notamment de SLAM appliqué à des contextes industriels, par ex. pour le contrôle de pièces usinées. Vers début 2018, je me suis décidé de faire une thèse pour de nombreuses raisons :

- Mon expérience aux États-Unis. Lors de mon Master aux US, j’ai constaté une différence nette entre les doctorants et « les autres » : accès aux bourses, accès à l’emploi (PhD « souhaité », moins d’interviews). Et l’effet « plafond de verre » : les enseignants m’ont dit clairement que sans doctorat, je serai limité si je vise une carrière de chercheur.

- Mon environnement : nombre de mes collègues au CEA Saclay avaient un doctorat, ce qui m’a motivé à en obtenir un également.

- La reconnaissance à l’international. Centrale Paris, et les Grandes Écoles de manière générale, sont peu connus à l’étranger, malgré leur réputation en France. En revanche, un doctorat est reconnu dans le monde entier.

- Les compétences de recherche. J’ai toujours eu l’esprit ingénieur : je n’ai aucun problème à trouver les bons outils afin de résoudre des problèmes. Le souci était que ma capacité d’innovation n’était pas au même niveau que ma capacité à monter des solutions avec des éléments existants. Dit autrement, je devais développer ma capacité à développer des outils eux-mêmes.

- Les débouchés. Avec un diplôme d’ingénieur Grande École et de doctorat combinés, je peux virtuellement accéder à tous les postes d’ingénieur ou chercheur de mon domaine ainsi qu’à l’entrepreneuriat. Sur ce dernier point, les compétences de chercheur sont très utiles pour innover dans une entreprise et ont une excellente synergie avec les compétences d’ingénieur.

- Mon domaine. J’ai vu au fil des années comme la Vision par Ordinateur (plus souvent dénommé Computer Vision) est devenue un sujet d’Intelligence Artificielle à part entière, sans compter que l’IA est un sujet qui me passionne depuis longtemps. De plus, l’IA est un cas un peu à part en France : l’aura qui entoure l’IA fait que le doctorat est un atout, contrairement à d’autres domaines où l’on risque d’être surdiplômé ou trop spécialisé.

- La concurrence en IA. Si la démocratisation des cours en ligne et l’open source a grandement accéléré le développement de l’IA, l’effet collatéral est que la concurrence est rude. Et un doctorat a une tout autre valeur qu’un certificat issu d’un MOOC.


Compte tenu de toutes ces raisons, le doctorat est apparu comme une nécessité. J’ai heureusement pu le faire dans le même laboratoire au CEA où je travaillais, et j’ai ainsi effectué mon doctorat de la fin 2018 au début 2022 à l’Université Paris-Saclay. Mon sujet de recherche était l’amélioration par IA d’algorithmes SLAM en milieu dynamiques complexes.


J’ai ensuite effectué une mission sur le contrôle cosmétique par vision à EssilorLuxottica. Enfin, je travaille depuis juin 2022 au Technology Innovation Institute (TII), à Abu Dhabi, comme ingénieur et chercheur Senior en Computer Vision sur les drones. C’est un institut où avoir un doctorat est quasi indispensable pour les postes de R&D haut niveau – je n’aurai pas pu y aller autrement.


Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent se lancer dans une thèse ?

Je dirai que le plus important est d’avoir une bonne raison de le faire – ce ne doit pas être un choix par défaut. Cela est lié à d’autres aspects essentiels : la motivation, l’intérêt pour le sujet, les perspectives à long terme. Ce doit être un choix réfléchi.


C’est pourquoi j’ai décidé de patienter un an et demi avant de me lancer en thèse à 26 ans : le métier de l’enseignement ne m’intéressait pas particulièrement et je n’avais pas de motivations précises ; et ce fut le bon choix. Cela dit, il faut évaluer sa situation personnelle soigneusement. Certains instituts peuvent avoir des âges limites (par ex. 30 ans) et il faut évaluer si l’impact financier et professionnel court/moyen terme est acceptable. Le « manque à gagner » en salaire et en expérience business (surtout si la thèse n’est pas en entreprise) n’est pas négligeable car la thèse est un investissement en temps et énergie lourd, il vaut donc mieux qu’elle en vaille la peine et s’assurer d’être dans des conditions optimales : environnement de travail, encadrement, rémunération raisonnable, moyens disponibles, si possible en entreprise, avec le soutien de sa famille, etc.


Les jeunes doctorants seront guidés dans leur parcours ; une bonne planification est indispensable. J’aimerais ajouter un point sur les formations, surtout en 1ère année : plutôt que faire des formations scientifiques (méthode scientifique, rédaction d’articles…) ou transverses (éthique, management, etc.) uniquement par obligation, je conseille de faire des formations sur des sujets scientifiques qui passionnent – par ex. l’astronomie – et des formations qui ont un intérêt professionnel. Sur le premier point, le Collège de France est une excellente référence et ses formations sont reconnus par l’Université Paris-Saclay. Sur le deuxième point, en particulier en IA, je conseille de faire des formations certifiantes. Le savoir-faire est déjà un premier gain. Le certificat en Machine Learning / Cloud / Management / etc. sera utile après un doctorat, même s’il vient d’un MOOC, et d’autant plus s’il est obtenu lors d’un examen auprès d’entreprises réputées comme Microsoft, Google, Amazon, IBM, Linux Foundation, etc.


Bien sûr, tous ces arguments sont rationnels. Certains sont passionnés par la recherche et/ou l’enseignement et souhaite en faire leur carrière : dans ce cas, s’il n’y a pas d’obstacles majeurs, allez-y !


Enfin, il ne faut pas oublier que la thèse est une expérience, ou comme disait un de mes encadrants, un mode de vie. Les conférences, la rédaction d’articles scientifiques et du mémoire, les horaires de travail aléatoires, les pics de stress, les moments difficiles, les bonnes surprises (Eurêka ! J’ai enfin de quoi publier !). C’est une formation difficile, mais irremplaçable !

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