Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.
Pourquoi avez-vous décidé d’effectuer une thèse ?
Pendant mon master recherche à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers de Paris, j’ai réalisé mon stage de fin d’études dans le cadre d’un projet européen de grande ampleur : le projet ERC FastMat. Celui-ci a duré 6 ans et a été conduit au sein du laboratoire PIMM à Paris. L’objectif du projet : élaborer de nouvelles méthodes de détermination rapide des propriétés de résistance des matériaux en fatigue. On cherche à quantifier la durée de vie d’un matériau soumis à un chargement répété un très grand nombre de fois. Cela a impliqué la conception et la validation d’un système de génération d’ultrasons, utilisé pour accélérer le chargement mécanique des matériaux métalliques. Le sujet du stage, le cadre et l’équipe du projet m’ont très vite conquis. Une offre de thèse dans la continuité du stage était alors ouverte. J’ai saisi l’opportunité et me suis lancé dans la recherche avec un grand R. C’est ainsi que je suis devenu doctorant !
Qu’est-ce que la thèse vous a apporté ?
3 ans et demi de thèse sur un sujet très expérimental, dans une équipe de 6 personnes, avec de nombreuses campagnes d’essais sur grand instrument (le synchrotron SOLEIL), c’est un cadre peu commun ! J’ai donc appris extrêmement rapidement et rigoureusement tous les rudiments du développement technique, de la conduite d'une campagne expérimentale, de l’analyse de données et de la conduite d’un projet. Le plus fou, c’est que l’on a pas l’impression de monter en compétence avant la fin de la thèse lorsqu’on fait le bilan du chemin parcouru et qu’on prend conscience de l’ampleur de notre progression. A la fin de ma thèse, je peux dire que j’ai acquis de nombreuses compétences techniques et de gestion comme tout docteur, mais j’ai surtout développé de nouvelles manières d’aborder un problème, pour faciliter sa résolution.
Quel poste occupez-vous aujourd’hui et en quoi votre doctorat vous est-il utile ?
Aujourd’hui, je suis CEO de la start-up E-PIEZO. Une jeune société créée en 2023. E-PIEZO s’inscrit dans la continuité de mon doctorat et du projet ERC FastMat auquel j’ai participé. Nous poursuivons le développement des systèmes que nous avons conçu et testé pendant ma thèse pour les valoriser dans l’industrie. Il s’agit de machines qui génèrent des ultrasons, que l’on utilise pour accélérer la caractérisation des matériaux (métaux, composites, céramiques, polymères, …). On peut ainsi déterminer leur propriétés de résistance en fatigue, en tribologie ainsi que leur comportement en vibration 10 à 100 plus rapidement qu’avec les moyens conventionnels. Cela permet aux industriels d’obtenir rapidement des informations cruciales sur les propriétés de résistance des matériaux pour optimiser leur mise en œuvre. A ce jour, E-PIEZO propose à la vente et sous forme de prestations de services, ses machines de caractérisation rapide. A noter que nous développons des systèmes sur-mesure, pour les appliquer aux besoins des industriels et des laboratoires de recherches avec qui nous travaillons. Au-delà du fait que sans ma thèse je n’aurais sûrement pas cette activité aujourd’hui, la formation doctorale a de nombreux avantages. Le processus de développement d’une activité commerciale est finalement très proche de celui de la conduite d’un projet de thèse. C’est comme si j’avais réalisé un tutoriel avant de me lancer ! Aussi, ma thèse m’a permis d’acquérir les bases en conduite de projet, développement technique, analyse de données, … Mais le plus important, c’est que j’ai acquis ces compétences en les appliquant à un sujet concret (celui de ma thèse), et pas seulement en suivant une simple formation théorique.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite se lancer dans une thèse ?
En sortie d’école ou après un master 2, on se questionne souvent quant à la carrière qu’on souhaite suivre... Vais-je rouler ma bosse en industrie et chercher un poste qui me plait ? Ou vais-je investir pour mon futur et suivre la formation la plus complète de ma vie en choisissant le doctorat ? Une thèse, ce n’est pas juste 3 ans de formation, c’est 3 ans d’expérience dans un cadre à mi-chemin entre l’école et l’industrie, avec un salaire (eh oui !), et avec l’impression qu’on travaille pour soi avant tout. Une thèse n’est pas un long fleuve tranquille. On essuie les vagues et parfois les tempêtes, mais on en sort toujours grandi et fier du chemin parcouru. Ça nous apprend aussi beaucoup sur nous même ! Un ultime conseil pour les étudiants qui hésitent à faire une thèse : trouvez un sujet qui vous fasse vibrer et pour lequel vous avez vraiment envie d’être l’expert dans 3 ans, et allez-y sans hésiter !