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Nicolas Gartner, Docteur en robotique sous-marine


Nicolas GARTNER
Nicolas GARTNER

Merci beaucoup d'avoir accepté l'interview.


Peux-tu nous présenter ton parcours et pourquoi as-tu décidé de faire une thèse ?

J’ai eu un parcours d’ingénieur assez classique. J’ai commencé par une classe préparatoire au Lycée Couffignal à Strasbourg. Au départ, j’étais très attiré par le travail dans un contexte international. Ainsi, j’ai choisi de faire l’Institut Français de Mécanique Avancée, qui est une école d’ingénieur résolument tournée vers l’international et qui proposait notamment de faire une année de césure composée de 2 stages : 6 mois dans un laboratoire de recherche et 6 mois dans une entreprise. Cette école s’appelle aujourd’hui Sigma Clermont. J’ai fait mon stage de recherche au FEMEC à l’Universidade Federal de Uberlândia, au Brésil, où j’ai accompagné Iaroslav Skhabovskyi, qui était alors doctorant mais est aujourd’hui devenu docteur, dans ses recherches sur les procédés de soudages. Cette première expérience de la recherche a été complétée par mon stage de fin d’étude dans un pôle de R&D où je devais concevoir un bras robotisée pour un robot dédié au démantèlement des centrales nucléaires. Au cours de ce stage, toute l’équipe qui m’accompagnait était titulaire d’un doctorat, notamment Gianinna Dottavio et Frédéric Renard. Mon travail de conception avait un caractère novateur et je m’étais entrainé à écrire un article universitaire en préparant un état de l’art, en présentant mes contributions et les résultats que j’avais obtenus. J’avais également un tuteur maitre de conférence du coté de mon école d’ingénieur, Nicolas Bouton, qui m’a également beaucoup poussé vers la voie du doctorat.

Cet ensemble d’expérience a consolidé mon envie d’aller plus loin dans la recherche. A cette époque, je voyais cela comme un travail dans lequel j’allais pouvoir m’épanouir librement, en allant au fond des choses dans un domaine que j’appréciais. De plus, faire une thèse, c’est finalement également participer à des conférences internationales et rencontrer des gens d’un peu partout. Dans mon open-space de thésard, j’ai côtoyé, un brésiliens, vietnamiens, tunisiens, comoriens, etc.. J’ai alors cherché les différentes offres de thèses disponible, de la même manière que l’on recherche des offres d’emplois et j’en ai trouvé une poignée qui m’intéressait particulièrement dont deux pour lesquelles j’avais été retenu : une thèse en robotique sous-marine au laboratoire COSMER de l’Université de Toulon et une thèse en conception robotique de mécanisme parallèle au LIRMM à Montpellier. J’ai finalement opté pour la robotique sous-marine parce que je trouvais le thème marin plus attrayant.


En quoi consiste ta thèse en quelques mots ?

Ma thèse a consisté à étudier la dynamique des véhicules sous-marins. Plus précisément, à étudier la possibilité de simuler simultanément leurs mouvements et les mouvements de l’eau qui les entourent. Ceci permet de voir comment les véhicules se comportent dans des zones de faibles profondeurs et notamment de simuler des manœuvres dans des zones de plages ou de côtes rocheuses, qui sont difficilement navigables et qui sont pourtant les plus intéressantes. En effet, c’est là que vivent la plus grande partie de la biodiversité marine. C’est également l’interface entre le monde terrestre et le monde marin. Ma thèse intéressait en partie la défense nationale puisqu’elle était financée par un projet RAPID (Régime d’APpui à l’Innovation Duale), en partenariat avec Subsea Tech et Robopec (aujourd’hui Exail) pour résoudre des problématiques de débarquement et d’opérations dans les zones côtières.


A-t-il été compliqué de concilier vie de recherche et vie personnelle ?

Je pense que de ce côté, j’ai eu particulièrement de la chance. J’ai eu des encadrants, Mathieu Richier et Vincent Hugel, très humains et compréhensifs. Même si au départ, je faisais de longs déplacements pour retourner auprès de ma compagne qui se trouvait dans un petit village près de Salon de Provence, nous avons su trouver un équilibre qui nous convenait et j’ai pu aménager mes temps de venues à l’université. J’ai eu 2 enfants : un premier pendant ma deuxième année de thèse et un second pendant mon post-doctorat, ce qui s’est avéré très prenant et m’a permis de beaucoup relativiser. Comparé aux bouleversement que sont les naissances et les problèmes que rencontrent les jeunes parents, une thèse c’est un long fleuve tranquille.


Quel est ton poste actuel et que t’as apporté ton doctorat dans ce poste ?

Après ma thèse, j’aurais souhaité devenir maitre de conférence, mais il n’est pas facile d’enchainer de petits contrats de post-doctorat ou d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (ATER) avec 2 enfants en bas âge. Ces contrats demandent souvent de la mobilité et c’est à ce moment là qu’il est, de mon point de vue, le plus difficile de concilier vie familiale et recherche.

Actuellement, j’occupe un poste de consultant en qualité et métrologie, un domaine très intéressant mais assez différent de ma thèse. Je suis tombé dedans totalement par hasard : un poste ouvert dans une petite société coopérative et participative (SCOP) à côté de chez moi. Je travaille principalement avec des laboratoires accrédités par le Comité français d’accréditation (COFRAC). Je réalise des formations pour les personnels de ces laboratoires, je fais des audits, je suis actuellement identifié comme responsable qualité et responsable métrologie dans deux laboratoires accrédités différents. J’organise également des comparaisons inter-laboratoires dans le domaine de l’étalonnage. Mon expérience de doctorat m’a apporté de la rigueur, un bonne capacité de rédaction et de synthèse et une bonne aisance à l’oral pour les sessions de formations. Mon expérience scientifique est particulièrement intéressante lorsqu’il s’agit de prendre du recul, car je travaille dans un très vaste périmètre technique : microbiologie, chimie des eaux, électricité, vieillissement des matériaux, mesure de masse, pression, volume, température, radioactivité, etc.


Quelle place donner à la recherche académique et au doctorat en France ?

La recherche académique est la meilleure manière de réellement contribuer à la création de connaissance, c’est une chose essentielle à notre société. Je l’idéalise peut-être un petit peu, mais selon moi le doctorat est une sorte de parenthèse enchantée durant laquelle on a vraiment le temps de se pencher sur un problème proposé par notre société pour tenter de le résoudre. Réussir son doctorat, c’est tenter une des voies possibles. Cette voie n’aboutit pas toujours sur la théorie de la relativité générale qui a fait la réputation d’Einstein, toutefois elle apporte un petit bout de connaissance, une réelle innovation. En France, le doctorat est relativement peu valorisé comparé à ce que l’on peut voir dans d’autres pays du monde (Allemagne, Monde anglo-saxon, Japon, Chine). En dehors des postes de recherches académiques, dans les domaines techniques, la plupart des entreprises recherchent des ingénieurs et il n’y a quasiment aucune offre spécifique dédiée, même dans les départements de recherche et développement. Pourtant, ce diplôme nécessite d’acquérir des compétences spécifiques que ne possède pas un ingénieur, comme la capacité à planifier un projet long, réalisable en prenant en compte les moyens (matériels, financiers, humains), rendu dans le temps impartis, en prenant en compte toutes les contraintes et incertitudes liées au projet. Il demande également de faire preuve d’autonomie dans l’acquisition de connaissance et de savoir comment réaliser une veille méthodologique, faisant le bilan des connaissances mondiales actuelles. C’est également un diplôme qui démontre la capacité d’une personne à transmettre ses connaissances. Chercheur, c’est un rôle qui permet d’arriver au prix d’une certaine incertitude à de vraies innovations de rupture.

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